Au fil des lectures : reçu 10/10

février 2022

« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)

Agnès Verdier-Molinié, Le vrai État de la France.

Ce n’est évidemment pas à l’état de la France que la Décade donne son 10/10 mais bien aux constats et analyses que partage Agnès Verdier-Molinié dans son dernier ouvrage. Il ne s’agit que de faits et de chiffres présentés sans parti pris et qui sonnent comme une remise de carnet de notes en fin de trimestre par un préfet de lycée désabusé sur le sort de son plus mauvais élève.

Aucune matière ne vient rattraper l’autre. Pourtant elles ont toutes un point commun que le titre annonce déjà « L’État de la France » avec une majuscule à État, car c’est bien de cela qu’il s’agit : c’est le poids, l’inefficience et les dysfonctionnements de l’État qui sont au cœur des problèmes de l’économie de la société française.

En premier lieu il faut avoir bien conscience du décrochage économique de la France : 39 000 euros de PIB par habitant en France contre 46 200 en Allemagne, presque 20% d’écart alors que les deux pays étaient à égalité il y a vingt ans. La Suède est plus d’un tiers plus prospère que nous. Le pouvoir d’achat d’un suisse est deux fois celui d’un français etc.
Manque de productivité, mais surtout manque de travail : 630 heures par habitant et par an contre 697 en Espagne, 722 en Allemagne, 943 en Suisse…

Mais si les 35 heures, les congés extensifs sont blâmables, c’est surtout le faible taux d’activité des 16-25 ans et des 55-65 ans qui sont coupables. Il s’agit d’une réserve de croissance potentielle si le développement de l’apprentissage, le désengorgement de nos universités et le recul de l’âge de la retraite sont bien organisés.

C’est aussi l’effondrement de notre industrie qui nous coûte ce recul : impôts de production, charges sociales excessives, réglementations sociales et environnementales dissuasives ont réduit à la peau de chagrin notre industrie : 5,5 millions d’emplois en 1980 contre 3,1 en 2021 pour une population passée de 55 à 67 millions ; et pourtant certains politiques cherchent encore le vote de la classe ouvrière ou s’étonnent du faible taux d’enfants d’ouvriers dans nos grandes écoles…

En conséquence la France perd ses attraits et a laissé partir (ou chassé) ses riches et ses talents par l’ISF et par la progressivité et la concentration extrême de l’impôt sur le revenu : acquitté par moins de la moitié des foyers seulement, il est payé à hauteur de 70% par 10% d’entre eux. 483 impôts, taxes et contributions sur les ménages et les entreprises en 2020 ! Pour un taux de prélèvement record du monde.
Mais cela ne suffit pas au Moloch de la dépense publique : 60% du PIB, avec principalement 560 milliards pour l’État, 253 milliards pour les collectivités locales, et presque 600 milliards pour la sécurité sociale, qui génère, déficits après déficits, une dette presque record également : 3 000 milliards d’euros, soit 44 000 euros par français, plus qu’un doublement en 10 ans (20 000 euros en 2012).

Et si encore on en avait pour notre argent ! Agnès Verdier-Molinié interroge le coût de production de nos services publics et les résultats obtenus : nos coûts d’éducation, pourtant les plus élevés qui n’empêchent pas notre déclassement international dans toutes les études sans provoquer de scandale. Alors qu’un jeune sur 20 est illettré et que 100 000 jeunes sortent tous les ans du système éducatif sans diplôme ni formation. Nos 35 000 communes, nos 60 000 guichets publics, mais 25 jours d’absence en moyenne dans le public contre 19 dans le privé (30% d’écart !).

Beaucoup moins de riches et beaucoup plus de pauvres, voilà le résultat : plus de 7% de travailleurs pauvres, deux fois plus qu’en Allemagne (contrairement à une idée reçue toujours défendue par les germanophobes et les autruches). 300 000 sans domicile fixe, une surpopulation carcérale de 113%, 28 000 mineurs non accompagnés etc. et la dégradation des infrastructures sont les manifestations les plus visibles de cette paupérisation collective.
En renonçant à la prospérité et à ce qu’elle exige, la France tourne le dos à ses bienfaits, à la sécurité intérieure, s’affaiblit internationalement et voit son destin passer dans les mains de ses créanciers étrangers détenteurs de 50% de notre dette publique et qui décideront de notre sort le moment venu. Car dès cette année et en 2023 les prévisions de croissance pour la France sont les plus mauvaises : 3,5% et 1,8% contre 3,9% et 2,6% pour les économies les plus avancées selon le FMI : le déclassement se poursuit.

En cette année électorale, chaque électeur doit s’informer et chaque candidat doit lire ce livre, se positionner par rapport à ses constats et proposer des solutions qui ne peuvent être ni simples ni rapides : mais au moins reprendre la bonne direction nous évitera des désagréments futurs et remettra le pays dans un mouvement positif qui apaisera certainement le climat social et politique délétère que nous subissons.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+