Parole d’entrepreneur

juin 2021

Bénédicte Durand
Directeur Général de Altheora

www.altheora.com
L’entrepreneur du changement

Son parcours école de commerce et ses débuts dans le Groupe industriel américain Carrier, avec au passage un MBA à EM-Lyon, la destine plutôt à un poste à responsabilité au sein d’un grand groupe.

Mais Bénédicte décide finalement de suivre les traces de son père, entrepreneur ardéchois « multirécidiviste », qui après un premier gros succès dans les assurances – son groupe revendu deviendra le leader européen Aon – se lance dans la reprise et le retournement d’entreprises en difficulté.

C’est une de ces acquisitions à la barre du tribunal, Mecelec, que Bénédicte rejoint en 2016 et dont elle prend la direction générale un an plus tard. Elle contribue activement à la phase initiale de retournement, puis en 2019 lève les fonds nécessaires au remboursement de la dette obligataire qui signe le succès de cette première étape. Elle met alors en place un nouveau plan stratégique de diversification et de développement de la valeur, et positionne le groupe sur une trajectoire de croissance.

Bénédicte illustre sa vision nouvelle de symbiose industrielle avec la transformation en 2021 de Mecelec en Altheora, une ETI performante, innovante et responsable de plus de 30 millions de CA avec 230 personnes, implantée en France (4 usines), en Roumanie (1 usine) et en Belgique (1 bureau).

Une responsabilité managériale au sein de l’entreprise, qui s’exprime aussi à l’extérieur dans le rôle central que l’entreprise joue au sein de son écosystème à l’égard des autres parties prenantes, partenaires, fournisseurs, clients.

En adoptant une démarche industrielle différente et innovante Bénédicte repositionne son groupe plus haut dans le « food chain ». Elle sort de sa position passive de sous-traitant en intégrant de nouvelles compétences et de nouveaux savoir-faire.

Sa vision ouverte d’intégration des talents pour accélérer l’innovation et de mutualisation des moyens mis à disposition des sociétés du groupe et des partenaires s’appuie sur un triptyque Innovation-Partage-Responsabilité sociale de l’entreprise.

Le premier jour du premier confinement Bénédicte fête ses 40 ans. Un anniversaire qu’elle décide d’exprimer par sa vision du changement. La période est propice au partage et à la réflexion : projets transversaux et séminaire interne sur la question du moment, comment continuer à avancer alors que tout s’arrête autour de nous ?

Un travail collectif mené avec son équipe qui aboutit à la définition de la nouvelle stratégie du groupe.

Elle a hérité l’hyperactivité de son père : entrepreneur, lauréate du prix Woman Equity 2020, administrateur de Middlenext, administrateur de Polyvia, le syndicat professionnel de la filière plasturgie et composites, Ambassadeur du Plan Jeunes pour la région Auvergne Rhône Alpes, Bénédicte s’implique partout.
Son mari lui, ancien champion de France de tennis, convertit son intellectuelle d’épouse à la pratique fervente de la course à pied.

Un moment privilégié pour trouver de nouvelles idées et pour réfléchir au coup d’après.

1) Pourquoi être devenue entrepreneur ?

Pour moi c’était écrit.
Entreprendre c’est la liberté dont j’ai toujours eu besoin pour changer les choses.

C’est aussi la richesse de toutes les dimensions de l’entreprise que l’entrepreneur doit gérer.
Après 10 ans dans un grand groupe avec un contrat de cadre dirigeant, 4 signatures pour avoir un stylo BIC c’était insupportable.

Garder l’agilité nécessaire est une priorité au sein de notre société alors que nous grandissons.
Et puis j’ai très tôt acquis cette vision, peut-être au contact de mon père, qu’entreprendre c’est créer des emplois, créer de la valeur et participer au développement du pays.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Non. Tout le monde doit pouvoir entreprendre dans l’entreprise.
Les projets transversaux, « Les 12 travaux d’Hercule », que nous avons mis en place pendant le 1er confinement ont d’ailleurs permis à chacun de développer cette attitude d’intrapreneuriat.
Nous accompagnons et nous coachons nos collaborateurs dans ce sens. Notre budget formation est substantiel.

Ce sont eux qui ont eu l’idée d’organiser des appels à projets auprès de startups. La culture que nous favorisons se traduit par une multitude de projets collaboratifs internes et externes menés par tous nos collaborateurs avec une grande autonomie et dans la confiance.
Depuis 5 ans l’animation de notre comex fonctionne en délégation. Je suis là pour trancher si besoin.

Tous nos collaborateurs ont la capacité à prendre des mandats à l’extérieur de l’entreprise et ils sont donc très présents dans notre écosystème. Ils assurent aussi la représentativité du groupe.

La vraie différence entre l’entrepreneur et ses salariés, aussi entrepreneurs soient-ils, réside dans la part de risque pris et assumé. En tant que chef d’entreprise, j’ai « quelques » cautions à honorer et j’ai engagé mon patrimoine. Cette approche du risque qui peut paraître parfois un peu inconsciente est certainement une caractéristique de l’entrepreneur.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur est un iceberg.

La partie visible pour nous industriels c’est avant tout le positionnement de notre chaîne de valeur.
C’est elle qui permet de générer la performance – autrefois appelée productivité, un terme devenu incompatible avec le dialogue social aujourd’hui… C’est de la performance que née la marge qui à son tour finance l’investissement dans l’outil, dans l’innovation et dans les collaborateurs.
Cette création doit se retrouver de manière limpide, directement et indirectement, dans un compte de résultat.

Et puis il y a la partie invisible.
Par exemple la création par l’industrie des emplois induits.
Ou encore la poursuite d’une stratégie Responsabilité sociale de l’entreprise ambitieuse. Il y a beaucoup d’avantages à se fixer des objectifs élevés en matière de normes Environnement-Social-Gouvernance : nos collaborateurs sont très engagés dans leurs missions et très fidèles, les nouveaux talents se tournent plus naturellement vers nous, tous contribuent positivement à notre stratégie et accélèrent le développement de notre groupe.

Mais les deux parties, visible et cachée, sont liées : seule la performance financière permet d’investir dans une croissance durable.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Revaloriser la valeur travail
Il n’est pas acceptable de gagner autant quand on ne travaille pas que quand on travaille. Tout cela passe par un certain nombre de mesures : Revoir le système d’assurance chômage, disposer de plus de liberté pour augmenter le temps de travail, libérer l’âge de départ à la retraite.
J’espère d’ailleurs que la crise que nous venons de traverser permettra à tous de se rendre compte de l’importance du travail dans l’équilibre personnel de chacun.

b/ Relocaliser des filières complètes en France et en Europe pour retrouver notre souveraineté industrielle en veillant à développer une industrie compétitive grâce à l’investissement, l’innovation, et la baisse des charges.

c/ S’ouvrir vers l’international. Aider les entreprises à franchir l’obstacle linguistique et faire évoluer l’état d’esprit français.

d/ Homogénéiser les politiques fiscales des pays membres en Europe et mettre fin au changement des règles du jeu fiscal au rythme des lois de finance. Bien que nous ayons fait beaucoup de progrès récemment sur le front des impôts de production.

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