Parole d’entrepreneur

novembre 2022

Camille Kriebitzsch – Partner & Co-Founder de @Eutopia

www.eutopia.vc

Changer le monde, laisser une trace

Camille grandit à Thionville dans un environnement de professions libérales, entourée de femmes indépendantes : sa mère et sa sœur ainée sont dentistes et sa grand-mère est à la tête d’un cabinet d’assurances.

Après ses classes prépa à Paris à Saint-Louis, elle intègre l’ESCP. Ses différents stages au cours de ses études vont lui permettre de découvrir l’entreprise et de tracer sa voie.
D’abord dans l’univers créatif de Alexandalexa, une startup londonienne.
Puis c’est l’apprentissage de la rigueur et de l’analyse en tant qu’auditeur chez Ernst&Young.

Et enfin elle se frotte au business development chez Birchbox, leader des box beauté.
Forte de ses premières expériences, Camille conclut son parcours à l’ESCP avec une major entrepreneuriat, bien décidée à goûter aux joies de la création d’entreprise.
Mais pas tout de suite.

Le temps de trouver l’idée et de faire les rencontres décisives, elle décide de prendre son envol dans le venture capital. Un moyen de réconcilier sa personnalité analytique et la prise directe avec l’écosystème entrepreneurial.

Elle démarre en 2015 chez Otium Capital, le family office de Pierre-Edouard Stérin, où elle rencontre Antoine Fine, un ancien de chez Lazard qui vient lui aussi de rejoindre l’équipe.
Ils proposent à Pierre-Edouard Stérin une nouvelle thèse d’investissement sur les consumer startups, ces nouvelles marques qui repensent la société de consommation, de façon à la fois plus digitale et plus engagée. Ils développent à deux ce nouveau fonds pendant trois ans. Camille apprend le métier en mode accéléré avec 10 opérations rondement menées ensemble. Deux autres membres, Antoine Régis et Cyrille Bessière, rejoignent l’équipe un peu plus tard.

1) Pourquoi être devenue entrepreneur  ?

Le facteur humain est déterminant dans mon choix d’entreprendre.
Le modèle de femmes indépendantes, autonomes et responsables, incarné par ma grand-mère, ma mère et ma sœur a été une source d’inspiration et de fierté pour moi.
Les rencontres ont elles aussi joué un rôle clé.
D’abord avec les entrepreneurs que j’ai côtoyés tout au long de mon parcours.
De Quentin Reygrobellet, patron de l’ex Birchbox, devenu Blissim, à la trentaine d’entrepreneurs que nous accompagnons depuis des années : Juliette Levy, Gaëlle Frizon de Lamotte, Juliette Couturier, Nicolas Chabrier, Julien Sylvain, …
Autant de parcours et de personnalités qui montrent la variété des possibilités.
J’ai toujours été très admirative de leur courage, de leur résilience et de leur capacité à prendre des risques, qui était d’ailleurs plutôt payante.
Leur exemple a conforté le capital riskeur « risk adverse » que je suis dans l’idée que prendre des risques peut marcher.
Ils m’ont donné l’envie de suivre leur trace et comme eux, à mon échelle, de changer le monde, de laisser une trace.
Et bien sûr la rencontre de mes associés sans lesquels je n’aurais peut-être pas sauté le pas.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Non. Chacun dans sa vie entreprend. À partir du moment où on développe un projet, où on ose, où on prend des décisions, on entreprend.
Le monde des entrepreneurs est vaste. Du grand CEO aux entrepreneurs de startup. Sans oublier les indépendants, les restaurateurs et les artisans, qui sont aussi des chefs d’entreprise. Il y a aussi des entrepreneurs de la finance, comme moi.
L’entrepreneur est celui qui ose. Celui qui a cette capacité à se lancer, à prendre des risques, en surmontant ses peurs. L’entrepreneuriat, ce sont des montagnes russes avec des hauts très hauts et des bas très bas. L’entrepreneur est celui qui est capable de traverser ces très hauts et ces très bas.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Les dimensions humaine et financière de la création de valeur sont directement liées.
La première composante de la création de valeur c’est une certaine idée du développement humain. À la fois un développement personnel et la capacité à développer ses équipes. Je vois de ce point de vue des choses passionnantes dans les sociétés que j’accompagne.
J’ai eu le plaisir de voir les entrepreneurs à leur tête grandir, franchir des étapes, faire passer leur chiffre d’affaires de 0 à plusieurs dizaines de millions, tout en sachant s’adapter, évoluer, prendre en mains les nouveaux challenges devant eux. C’est pour moi la première création de valeur à laquelle nous essayons de contribuer en tant que fonds en les accompagnant.
En tant qu’investisseur, notre rôle est de corréler besoin de changement de consommation et création de valeur financière.
Les projets dans lesquels nous investissons créent de la valeur financière avant tout parce qu’ils créent de l’impact en matière de consommation responsable.
Aujourd’hui les contraintes sociales, sociétales, écologiques, économiques de plus en plus fortes et pressantes imposent un changement dans nos modes de consommation. Nous avons besoin de ces nouveaux produits qui vont nous aider à consommer différemment. C’est là où nous intervenons. Pour que ces nouveaux produits arrivent jusqu’au consommateur, il faut les entrepreneurs qui vont les créer et les moyens financiers nécessaires pour déployer leurs offres et les faire connaître au plus grand nombre.
Notre investissement dans Même Cosmétics, une marque de beauté pour les femmes concernées par le cancer et les effets secondaires des traitements est une bonne illustration de notre rôle dans ce processus de création de valeur. Nous avons investi dans cette société en 2016 alors qu’elle ne faisait pas encore de chiffre d’affaires avec un positionnement sur des produits à innocuité parfaite, au moment des scandales sur les perturbateurs endocriniens. Nous avons traversé aux côtés de ses fondatrices ces fameux très hauts et très bas. Même Cosmétics fera une dizaine de millions d’euros de CA cette année.
L’adoption de ces nouvelles offres alimente un cercle vertueux en générant naturellement de la croissance et de la création de valeur financière, qui à leur tour vont attirer plus de capitaux à déployer dans nos fonds pour pousser encore plus loin notre thèse d’impact.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Valoriser l’entrepreneuriat.
Donner les clés de l’entrepreneuriat aux enfants très tôt à l’école, au collège. Les inspirer, leur donner l’envie, le courage de se lancer, d’oser. Dédramatiser l’échec aussi – un gros sujet en France. Ça passe notamment par les rôles-modèles pour décloisonner l’entrepreneuriat en montrant la diversité des profils, des hommes, des femmes qui entreprennent. Et valoriser toutes les formes différentes d’entrepreneuriat, et notamment valoriser les filières plus manuelles, montrer que c’est possible pour tous.

b/ Accepter des rendements un peu moins forts, et des temps un peu plus longs. C’est souhaitable pour favoriser le développement des projets à impact. À la fin la création de valeur sera au rendez-vous. Les marchés sont devenus un peu fous ces dernières années avec parfois des valorisations décorrélées de la réalité économique et des succès fulgurants mais pas toujours pérennes. Être plus patient et avoir des attentes plus raisonnables permettrait sans doute des développements plus pérennes.

c/ Favoriser le partage de la valeur
C’est indispensable pour créer un alignement plus fort entre les salariés, les Dirigeants et les Actionnaires et un engagement de tous dans la durée.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+