Parole d’entrepreneur

juillet 2023

François Deltour – Associé-Fondateur – Groupe Effinity

www.effinity.fr

François grandit à Paris. Un bac à Claude Bernard, une prépa puis l’EDHEC dont il sort diplômé en 1981. Il commence sa carrière au Crédit Lyonnais où il travaille trois ans, d’abord à Miami en tant qu’analyste financier puis à Paris comme fondé de pouvoir au siège. Son père est dirigeant d’entreprises, dont Valentine et Isoroy.

Très actif dans la vie associative à l’EDHEC il a déjà le besoin de « faire pour apprendre ». Il fait sa dernière année aux États-Unis. Le choix du Crédit Lyonnais lui permet d’y rester un peu plus longtemps, et d’apprendre la finance, les relations avec les banques, l’approche du risque et son évaluation. C’est aussi la découverte du fonctionnement des grands groupes : l’inertie, la pusillanimité, la politique et les postures. Malgré quelques rencontres intéressantes, il n’est pas à sa place dans ce monde-là. Son expérience dans la banque s’arrête là.

Il décide de s’associer dans une entreprise de fabrication de tubes pvc et de meubles de jardin. Il se lance dans le développement des activités et apprend la vente terrain avec l’animation des réseaux de revendeurs. Des années compliquées aux côtés d’un associé « un peu » toxique. Il part et rejoint un autre projet entrepreneurial de production de meubles en kit. Premier succès notamment grâce aux commandes de Castorama, totalement conquis. Après trois années de tournées incessantes auprès de la grande distri aux quatre coins de la France, François a besoin d’autre chose. Il ouvre alors une parenthèse avec successivement une expérience dans les médias en direction financière chez Globe-Hebdo, des missions de conseil ici et là, et un Master au CNAM, assorti d’un passage chez Havas Édition Électronique qui lui permettra de sillonner – à nouveau – les États-Unis et notamment la Silicon Valley.

On est en 1993. Son chemin croise alors le web 1.0, le web naissant. C’est une énorme claque. Et une révélation. Il veut en faire partie.

En 1995, il monte Palo Alto, l’une des toutes premières agences web en France, avec une conviction : Internet va tout bouleverser. Il ne parle pas le « code » mais les usages possibles excitent sa curiosité et sa créativité. Palo Alto est bien gérée et se développe jusqu’en 2000. En pleine crise, alors que les nuages noirs s’accumulent, un de ses collaborateurs lui dit un matin à la machine à café «…François, continue de nous faire rêver… ». Il rencontre au même moment Éric Sarazin et Olivier Gravet, spécialistes du marketing direct et relationnel du nord de la France. Ils cherchent alors à s’associer avec un spécialiste du web. Leur union sera cette vague bienvenue qui va permettre de sortir la tête de l’eau et sur laquelle le nouveau Palo Alto va surfer. Lorsqu’on crée des sites internet pour tout le monde depuis des années, la question de savoir comment orienter l’audience vers ces sites se pose naturellement. La réflexion de François sur de nouveaux services d’affiliation commencée deux ans plus tôt allait maintenant pouvoir se concrétiser. La promesse de valeur est unique. Les premiers succès ne tardent pas.

L’explosion de la bulle en 2000 transforme le carnet de commandes en champs de mines. Les trois années qui suivent se transforment elles en survie, jusqu’à la cession à Publicis.

Effiliation, la partie affiliation du groupe, ne fait pas partie du périmètre cédé. François la reprend avec 2 associés. Ramenée à sa plus simple expression, Effiliation traverse la tempête et renaît en 2004.
L’entreprise, totalement auto-financée, se développe et passe de 3 associés à 70 personnes pour un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros.
Fort de cette belle réussite François décide l’année dernière de se retirer à 65 ans en organisant une transmission par LBO au bénéfice de son jeune associé. Mais difficile pour lui de rester hors du jeu, il a monté depuis une société de conseil pour accompagner d’autres dirigeants dans la transformation numérique de leur entreprise.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Parce que j’étais mauvais en entretien d’embauche !
Mais surtout parce que j’aimais bien l’aventure.
Et l’Entreprise dans les années 80 ne ressemblait pas à l’aventure. C’était un peu un monde de gars cravatés, à la mâchoire carrée. Un monde d’apparences, de postures. Ça n’était pas mon monde.
J’avais envie de créer quelque chose qui me ressemble plus.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Non. Mais pour autant tout le monde n’entreprend pas. Chez nous les plus entrepreneurs sont devenus associés, quand c’était possible. D’autres ont créé leur propre entreprise avec succès, et j’en suis fier.
Entreprendre c’est aussi décider de vivre sa propre aventure, en assumant le risque que seul l’entrepreneur accepte de prendre.
Le risque, la volonté de se prouver quelque chose, d’aller au bout de ses idées, de porter le projet en leader sont certainement les marques de fabrique de l’entrepreneur.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

D’un point de vue financier, la création de valeur pour nous, associés, a longtemps consisté à pouvoir se payer et surtout pouvoir financer la croissance de la boîte et le développement, parfois réussi, parfois raté, de nouveaux services.
La création de valeur c’est le degré de liberté qu’on arrive à s’assurer. Une liberté possible seulement si l’on parvient à développer son autonomie financière. Et tout ça passe évidemment par la rentabilité.
Mais la création de valeur c’est aussi la capacité à vivre une aventure humaine, à aller au bout de nos idées, à faire les choses bien et à notre manière, à respecter, satisfaire et fidéliser nos clients et nos salariés. La capacité à accumuler et à capitaliser sur les expériences et l’expertise acquise. À créer de l’alignement d’intérêts entre les parties prenantes.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

La France est un pays magnifique pour monter des boîtes.
Après on peut quand même essayer d’améliorer les choses.

Développer la culture économique
La culture de l’économie est défaillante dans tout le système. On le voit bien avec le débat sur les retraites. Les gens ne comprennent pas bien l’économie. Le rapport à l’argent et à la réussite n’est pas positif.

Adopter une approche moins restrictive de l’innovation
On oriente les aides financières et fiscales exclusivement vers l’innovation technique aux dépens de l’innovation sur les process et le marketing,
On est aussi à la traine sur l’investissement dans la recherche fondamentale, lorsqu’on voit les sommes investies dans la Silicon Valley, nous ne jouons pas dans la même cour…

Développer la culture du commerce
On n’a pas la culture du commerce. On est meilleur marketer mais on est moins bon commerçant. C’est lié à un rapport à l’argent qui est culturellement compliqué. Et aussi à un niveau d’exigence élevé, cette façon de se critiquer en permanence souvent irritante et qui en même temps est aussi une force…

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