Parole d’entrepreneur

février 2019

Laurent Poyen, Président du Groupe TCS (The Caribbean Supplier)

Diplômé d’une école de commerce parisienne, Laurent commence sa carrière comme commercial dans la distribution sélective B2B de produits informatiques en France. Il part ensuite s’installer aux Antilles. Après plusieurs expériences locales il rachète la société d’avitaillement de navires de croisière, d’export vers les îles et de duty-free, dans laquelle il travaille à l’époque. Il développe inlassablement ses activités par diversification et par acquisition pour arriver à un groupe qui pèse aujourd’hui plus de 40 M de CA et qui compte une cinquantaine de collaborateurs. Son groupe comprend, au-delà des activités historiques, des boutiques de détail duty-free, de la distribution de produits alimentaires, de l’import de produits frais, et un restaurant cave à vin et épicerie fine. Entrepreneur insatiable Laurent a aussi investi dans différentes activités et sociétés dans les îles françaises et anglaises des Antilles, et a monté un fonds d’investissement à Paris.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

C’est d’abord un choix de vie. C’est pouvoir faire ce que j’ai envie de faire, de pouvoir entreprendre, même si parfois quand on entreprend on prend des risques et on trébuche. C’est pouvoir créer tout en m’amusant, car j’ai besoin de ne pas m’ennuyer et d’aimer ce que je fais. Et puis aussi de savoir rassembler des talents, d’aller les chercher et de pouvoir grandir ensemble. Enfin c’est pouvoir me dire que si ça ne marche pas, je ne peux m’en prendre qu’à moi.

C’est aussi un choix financier parce que si je veux plus, je travaille plus. Aussi parce que je peux construire un patrimoine, me donner les moyens d’avoir une vie agréable, bien que ça ne soit pas la motivation la plus importante en ce qui me concerne.

2)Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Oui et non. Pour moi entreprendre est avant tout un état d’esprit. On l’a ou on ne l’a pas. On a envie de cette prise de risque, de cette adrénaline, ou pas.

Chacun peut le faire à son niveau. Chaque collaborateur peut avoir l’esprit d’entreprendre et essayer de créer de la valeur.

Le chef d’entreprise est toutefois dans une position particulière. Celle d’un capitaine qui choisit la direction, en s’appuyant sur son équipage.
In fine il y a un chef d’entreprise, un capitaine. C’est lui qui décide seul de la direction, même s’il prend les avis des autres.

Il doit voir, sentir les opportunités et les saisir. Et ça c’est très personnel. Je pourrais voir des opportunités qu’un autre ne verra pas. Ça demande une vision un peu décalée par rapport à la norme. Identifier les leviers, creuser, être curieux et en veille, c’est un état d’esprit.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

C’est la capacité d’un entrepreneur à rassembler des talents et leur permettre de produire plus de valeur ensemble. C’est un phénomène humain avant d’être financier. Le financier n’est que la conséquence de ce phénomène. L’entreprise c’est avant tout de l’humain.

La création de valeur c’est aussi la définition d’une stratégie qui va s’appuyer sur ces talents. L’entrepreneur devra l’évaluer régulièrement, et pas simplement sur ses résultats financiers, et avoir le courage de la remettre en cause au besoin en fonction des évolutions nombreuses de l’environnement de l’entreprise. L’une des premières qualités du chef d’entreprise étant de savoir reconnaître qu’il s’est trompé et éviter de refaire les mêmes erreurs.

4) Quelles sont les trois mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?

A/ Simplifier les règles du jeu et cesser de les modifier tout le temps en cours de partie. Faire en sorte que créer des boîtes, voire de les fermer quand c’est nécessaire, soit plus simple. Que les processus administratifs soient plus légers, et surtout que les règles ne changent pas en plein jeu. Notamment dans le domaine fiscal. C’est très déstabilisant et trop compliqué. Ça décourage les gens d’entreprendre.

B/ Accompagner l’ouverture à l’international pour que les chefs d’entreprise puissent découvrir, prendre des idées, apprendre, car on est aujourd’hui dans un monde ouvert où le commerce est globalisé et où tout va très vite. Il est indispensable d’aller voir ailleurs pour comprendre comment le monde fonctionne aujourd’hui. Il faut sortir de notre petit village gaulois.

C/ Réhabiliter la prise de risque et sa contrepartie financière. L’entrepreneur prend des risques tous les jours sur son patrimoine, avec sa vie personnelle, et parfois sa santé. Dans la culture anglo-saxonne, l’entrepreneur est adulé et envié. En France il est soupçonné de toutes sortes de travers. Cette réhabilitation serait un grand bond en avant. Cela donnerait plus envie aux gens d’entreprendre. Mais pour cela il faudrait ne plus être la cible systématique de toutes les critiques. Sans porter l’entrepreneur au pinacle comme c’est le cas aux États-Unis par exemple, il faut lui redonner la place qu’il mérite dans notre société, valoriser son rôle unique dans la création de valeur pour tous. Je suis convaincu qu’en simplifiant les règles et en réhabilitant l’image de l’entrepreneur, beaucoup franchiraient le pas et contribueraient au développement de notre pays.

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