Il nous l'avait bien dit

janvier 2017

Après les consommations de fin d’année et la loi de finances pour 2017, quelques réflexions bien éclairantes de Jean-Baptiste Say…

jbs_janvier_2017« Les lois des nations influent de deux manières différentes sur les consommations des particuliers, et par conséquent sur les dépenses qui ont objet d’y pourvoir. Tantôt c’est directement, en retreignant, ou même en proscrivant tout à fait certaines consommations comme font les lois somptuaires ; tantôt c’est indirectement, en rendant la production de certains objets plus difficile ou plus dispendieuse ; deux mots qui, en économie politique, signifient la même chose.

On a fait des lois somptuaires, des lois pour borner la dépense des particuliers, chez les anciens et chez les modernes ; on en a fait sous les gouvernements républicains et sous les gouvernements monarchiques (…) On leur donnait pour prétexte la morale publique, partant de cette supposition que le luxe corrompt les mœurs ; mais le véritable motif n’a presque jamais été celui-là non plus. Dans les républiques, les lois somptuaires ont été rendues pour complaire aux classes pauvres qui n’aimaient pas à être humiliées par le luxe des riches. Dans les monarchies, au contraire, les lois somptuaires ont été l’ouvrage des grands qui ne voulaient pas être éclipsés par la bourgeoisie (…) Pensez-vous que le législateur soit mieux en état de régler les consommations des citoyens, qu’il ne l’a été de diriger leurs productions ? Les raisons qui déterminent les particuliers relativement à leurs dépenses varient à l’infini. L’autorité peut-elle entrer dans tous les motifs, connaître toutes les ressources, apprécier toutes les excuses ? Quel législateur en outre est assez sage pour prévoir la consommation qu’il est utile à l’Etat d’empêcher et celle qu’il convient d’encourager ? (…)

La doctrine que je vous ai développée est, en somme, qu’il ne faut pas consommer pour consommer, c’est à dire lorsqu’il n’en résulte ni profit, ni plaisir ; or du moment qu’on laisse les hommes à eux-mêmes, leur propre intérêt les invite à suivre ce précepte. Il n’est pas besoin d’une loi pour cela. « Les rois et les ministres, dit Smith, sont les plus grands dépensiers de la terre. Qu’ils règlent leur prodigalité, avant de s’inquiéter de celle des autres. Si l’Etat n’est pas ruiné par leurs extravagances, il ne le sera jamais par celles de leurs sujets. »

La société, qui est au-dessus du gouvernement, veut la propriété ; elle ne peut pas ne pas le vouloir, parce que sans la propriété, point de société ; or la propriété suppose dans chaque particulier le droit de disposer de son bien, d’en abuser s’il le veut. Lorsque le gouvernement l’en empêche, il agit donc contre les intérêts et le vœu de la société, qu’il est de son devoir de protéger. « Les anciens, dit Condorcet, croyaient que la volonté publique a le droit d’exiger tout et de soumettre tout… Opinion fausse, dangereuse, funeste aux progrès de la civilisation et des lumières et qui ne subsiste encore que trop parmi nous ». »

Cours complet d’économie politique -1829- Tome V p.96-98

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+