Parole d’entrepreneur

octobre 2023

Arnaud Lelache – Président de AFI-Agence Française d’Informatique

AFI-Agence

Passé par les bancs de l’École Alsacienne, Arnaud Lelache ouvre très tôt son esprit sur le monde qui l’entoure. Il apprend le chinois dès la 3e. C’est d’ailleurs un voyage en Chine en terminale qui le convainc de commencer sa carrière à l’étranger. Après ses classes préparatoires et Supélec, il décroche un double diplôme d’ingénieur en télécoms à Madrid. Il apprend l’espagnol. Et dans son temps libre il développe ses talents de leadership en mettant en scène des pièces de théâtre.

Il démarre sa carrière en Espagne chez Dalet, une entreprise française spécialisée dans les logiciels destinés aux médias et implantée dans une cinquantaine de pays qu’il parcourt au gré des présentations et des projets dont on lui confie la gestion.

Après 7 ans passés chez Dalet, il s’interroge. Il a besoin de donner plus de sens, plus d’impact à sa contribution. Il fait alors un MBA à HEC dans la filière entrepreneur avec en tête de se lancer dans l’entrepreneuriat à mission pour répondre à sa quête de sens. C’est en reprenant l’entreprise informatique de son père en 2005 qu’il trouve son espace de liberté pour conduire son propre projet. L’entreprise peine. Est-ce sa longue pratique de l’Aïkido qui l’a aidé à surmonter l’adversité et à redresser l’entreprise ?

Il lui redonne le souffle dont elle manque et la fait pivoter à force de refinancement et d’innovation. Pour financer et activer l’électrochoc, il mobilise des prêts à l’innovation, le CIR, et son réseau entrepreneurs Supélec, il développe des projets collaboratifs avec d’autres partenaires. Il fait basculer l’entreprise dans le nouveau monde du SaaS. L’entreprise rebondit après 18 mois.

En 2018, il rejoint le réseau Entrepreneurs’ Organization qui l’aide via un coaching entre pairs à donner un nouvel élan à l’entreprise. Celle-ci dispose à présent d’une avance technologique, d’une mission et de valeurs qui attirent les collaborateurs des entreprises concurrentes.

L’AFI leader des solutions logiciels libres de gestion pour les collectivités locales et les bibliothèques réalise un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros avec une centaine de collaborateurs et un crédo : « améliorer le service rendu par les agents des services publics aux citoyens ».

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Mon travail chez Dalet était intellectuellement intéressant, avec des gens intelligents, mais j’avais envie d’avoir plus d’impact. J’ai décidé de prendre du recul en faisant un MBA et de réfléchir à un nouveau projet dans lequel je trouverais le sens que je cherchais.

J’ai alors multiplié les expériences. Notamment une expérience de « moinagement » conduite par un moine bénédictin sur l’éthique d’entreprise et sur les externalités. J’ai réalisé qu’au-delà de la pure rentabilité financière, la plupart des entreprises génèrent des externalités négatives. J’ai voulu m’engager dans une activité avec des externalités positives. Améliorer la qualité des services publics, bien gérés et efficaces, et aider les agents à mieux servir les citoyens est pour moi une source d’amélioration de la société. Cela participe à un vivre ensemble plus efficace et à des services publics moins chers.

En faisant le choix de reprendre l’entreprise de mon père j’ai le privilège de pouvoir donner du sens à mon action et en assumer toutes les conséquences.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

En tant que chef d’entreprise j’ai la responsabilité du cadre sécurisé dans lequel les gens peuvent ou ne peuvent pas exprimer leur créativité. Avec une limite qui est celle de ma vision.

Mon objectif est que les choses fonctionnent sans que j’aie à intervenir. Chacun peut entreprendre dans ce cadre. Ce qui sous-entend en même temps que les gens soient alignés avec ma vision.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Ce sont d’abord les externalités. C’est ce qu’on a apporté à son environnement à la fin d’un cycle d’exploitation. À la société au sens large, à l’épanouissement des collaborateurs, et enfin à ses investisseurs. Dans cet ordre.

L’entreprise doit être soutenable. Elle doit s’inscrire dans le temps long. Notre entreprise a 40 ans et je suis en train de finaliser notre stratégie pour les 15 prochaines années. Les relations avec les clients, les salariés et le capital s’inscrivent dans le temps long.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Réduire la complexité administrative.
On demande aux entreprises aujourd’hui de payer des gens pour rentrer plusieurs fois les mêmes informations dans les systèmes des différents organismes publics. On est dans des situations aberrantes et largement en retard par rapport à d’autres pays européens engagés dans la simplification administrative. Il est essentiel de libérer les entreprises d’obligations qui n’apportent aucune valeur.

b/ Pérenniser le chômage partiel pour les sociétés en difficulté.
Un système utilisé brièvement pendant la crise du covid mais qui est utilisé de façon permanente avec succès au Canada ou en Allemagne. C’est un système qui permet à une entreprise qui traverse une mauvaise passe de ne pas se séparer de ses salariés qualifiés. Il faut bien entendu que la mise en œuvre soit simple et encadrée par certaines conditions pour éviter les abus.

c/ Accompagner la réduction du temps de travail de manière intelligente.
Beaucoup plus intelligente que les 35 heures en tout cas. On a connu une expérience intéressante avec la loi de Robien. Certaines entreprises proposent des organisations nouvelles du type semaine de 4 jours, ou des dispositifs mensualisés ou annualisés.

Ces mécanismes sont créateurs d’emplois. Mais aujourd’hui le surcoût associé est totalement pris en charge par l’entreprise. Alors qu’il y a un intérêt à favoriser publiquement ces mécanismes qui permettent de réduire le chômage, et en même temps le coût de son financement.

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