Il nous l'avait bien dit

septembre 2017

C’est la rentrée scolaire !

Nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a beaucoup insisté sur la nécessité que l’Éducation nationale réussisse sa première mission : apprendre aux enfants à lire, écrire, compter et respecter. Les évidences ont toujours besoin d’être rappelées, surtout quand le diagnostic fait apparaître que ces objectifs ne sont pas atteints et qu’ainsi naissent des inégalités que la vie ne fera qu’amplifier. C’est bien ce qu’écrivait Jean-Baptiste Say qui soutenait l’enseignement mutuel(1).

« On atteint ce but (l’instruction générale), par des écoles où l’on enseigne gratuitement à lire, à écrire et à compter. Ces connaissances sont le fondement de toutes les autres et suffisent pour civiliser le manouvrier le plus simple. À vrai dire, une nation n’est pas civilisée, et ne jouit pas par conséquent des avantages attachés à la civilisation, quand tout le monde n’y sait pas lire, écrire et compter (…) La seule faculté de lire met, à peu de frais, le moindre citoyen en rapport avec ce que le monde a produit de plus éminent dans le genre vers lequel il se sent appelé par son génie. Les femmes ne doivent pas demeurer étrangères à cette instruction élémentaire, parce qu’on n’est pas moins intéressé à leur civilisation, et qu’elles sont les premières, et trop souvent les seules institutrices de leurs enfants.

Les gouvernements seraient d’autant plus inexcusables de négliger l’instruction élémentaire et de laisser croupir dans un état voisin de la barbarie la majeure partie de nos nations soi-disant civilisées de l’Europe, qu’ils peuvent au moyen d’un procédé maintenant éprouvé, celui de l’enseignement mutuel, répandre cette instruction parmi la presque totalité de la classe indigente.

C’est donc les connaissances élémentaires (…) qui doivent avoir recours à l’appui de l’autorité publique lorsqu’elle veut servir les intérêts du corps social. Ce n’est pas que les particuliers ne soient pas intéressés au maintien et au progrès de ces connaissances comme des autres ; mais ils n’y sont pas aussi directement intéressés ; le déclin qu’elles éprouvent ne les expose pas à une perte immédiate ; et un grand empire pourrait rétrograder jusqu’aux confins de la barbarie et du dénuement, avant que les particuliers se fussent aperçus de la cause qui les y pousse (…). Jadis les habitants de Mytilène voulant tenir dans l’asservissement quelques-uns de leurs alliés leur défendirent de ne donner aucune éducation à leurs enfants.

La seule étude importante qui ne paraisse pas pouvoir être l’objet d’un enseignement public est l’étude de la morale. Faut-il que ce soit un maître qui nous dise ce que nous devons à nos parents, à nos frères et sœurs, à nos amis ? La morale doit s’apprendre partout et ne s’enseigner nulle part. Je n’ai jamais vu d’instruction publique qui ait suffi pour faire des hommes vertueux. Et je n’ai vu d’honnêtes gens que ceux qui avaient été élevés dans les habitudes du bien. »

Traité d’économie politique – deuxième et cinquième éditions -1826

(1) L’enseignement mutuel, introduit au milieu du XVIIIe siècle en Angleterre et en France charge les élèves les plus avancés de faire progresser ceux qui sont en retard, le maître pouvant ainsi superviser des classes importantes. Économique et efficace cette pédagogie soutenue par les libéraux s’oppose à celle des frères Lassaliens puis à celle voulue par l’État en France, l’église et l’instruction publique s’alliant pour l’éliminer au milieu du XIXe siècle, privilégiant l’approche autoritaire et supérieure du maître. Elle est largement développée en Allemagne depuis les années 1980 (Lernen durch Lehren).
«J’écoute mal un sot qui veut que je le craigne,
Et je sais beaucoup mieux ce qu’un ami m’enseigne
Vois-les, près d’un tableau, sans dégoûts, sans ennuis,
Corriger l’un par l’autre, et l’un par l’autre instruit ;» (Victor Hugo)
Sans doute un bon complément et peut-être une alternative aux dédoublements des classes primaires…

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