Parole d’entrepreneur

décembre 2021

Christian Viguié – PDG de DeltaDrone

www.deltadrone.com

De la théorie des tableaux pluriannuels des flux financier…
… à la pratique du B.S.P*

Compliqué de classer Christian Viguié dans un genre précis tant ses activités sont multiples et variées depuis ses débuts… Une enfance bercée par le rugby à Castres puis des études secondaires à Versailles après la mutation de son père gadzart et à l’internat de Cluny, terre des arts et métiers, l’amèneront à passer un BAC Maths et Technique. Finalement Christian ne se tourne pas vers une carrière d’ingénieur toute tracée mais vers l’université. La longue amitié qui le lie depuis l’âge de 13 ans à Jacques Rivoal autour de l’ovalie oriente les choix de Christian. Il décide de suivre les pas de son ami et obtient une maîtrise d’économétrie qui lui ouvre les portes de la rue Saint Guillaume. Une fois diplômé de Sciences-Po, il devient analyste financier.

Les talents au sein de la famille Viguié sont variés. Aux côtés de son père ingénieur, sa mère, commerçante, est très active à Versailles, notamment en tant que déléguée consulaire de la chambre de commerce et d’industrie. Ses deux frères sont artistes. L’ainé Jean-Pierre fait carrière dans la télé aux cotés de Georges Pernoud pour Thalassa, et le benjamin Bernard devient musicien, membre des Innocents et bassiste de Niagara, entre autres.

C’est en appliquant la technique des tableaux pluriannuels des flux financiers à Sciences Po que le chemin de Christian croise celui de la DAFSA. Christian relève des erreurs dans la fiche DAFSA du ClubMed sur lequel il planche alors. Sa rigueur lui vaut une proposition d’emploi dans la société de place avant même d’être diplômé. Et l’opportunité tout jeune d’enseigner au centre de formation à l’analyse financière de la SFAF, et plus tard à l’ISA et à l’ESSEC, au Luxembourg, au Maroc et en Tunisie. Une carrière continue d’enseignant qui se poursuit jusqu’en 2019. En parallèle Christian devient analyste financier chez Le Guay-Massoneau.

En 1988, l’ennui et l’impression de ne pas servir à grand-chose le poussent à basculer dans l’entrepreneuriat. Il crée alors sa propre société de conseil à l’introduction en bourse et d’édition d’études financières. Il crée aussi la base de données COFISEM et le premier guide des sociétés cotées. En 1998 il se lance dans le projet « fou » Europa Finance en proposant une base de données et un guide des sociétés cotées européennes. L’éclatement de la bulle en 2001 siffle la fin de l’expérience COFISEM qui est cédée par ses investisseurs.

L’un de ses premiers clients, Unilog, lui propose alors une mission en 1998 qui se transforme vite en poste de DG. Retour en première ligne.

Ses activités multiples et simultanées le conduisent aussi à investir dans les pompes à chaleur, puis finalement… dans les drones dans lesquels il investit en 2011.

Il pilote l’introduction de DeltaDrone en 2013. Et devient président de la société en 2014. Lorsqu’on demande à Christian Viguié quelle est la logique de ce parcours insensé il parle de sa fidélité à la théorie du *BSP (prononcez Bi-S-Pi) : le Bon Sens Populaire ! Ce qui guide son action c’est le bon sens, l’envie d’agir, d’accorder spontanément sa confiance aux gens qui l’entourent.

Le groupe DeltaDrone, coté sur Euronext Growth, est un acteur international reconnu du secteur des drones civils à usage professionnel. La société réalise un CA de près de 20 millions d’euros avec des opérations globales et des bureaux en Europe, au Proche-Orient en Afrique et en Australie. En 2018, Delta Drone a reçu le prix Forbes Futur40 dans le cadre de l’International Financial Forum de Paris Europlace, mettant en avant les champions de la croissance cotés sur Euronext Paris.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Lorsque j’étais analyste financier, travailler sur les grosses valeurs ne m’intéressait pas. Ce qui est intéressant quand on travaille sur les petites valeurs c’est la proximité immédiate que l’on a avec les chefs d’entreprises. Humainement c’est très riche. On comprend vite la passion qui les anime. Une passion contagieuse…
La société de conseil que je crée en 1988 sera pour moi de l’entrepreneuriat par procuration. Une première étape qui me conduira finalement à moi-même entreprendre. C’est la dimension humaine de l’entrepreneuriat qui m’a conquis. Monter une entreprise c’est un peu comme monter une équipe de rugby. On associe des personnalités différentes, qui ne joueront pas toujours à leur poste. On connaitra des victoires, des défaites, des matchs difficiles. Le chemin est semé d’embuches, mais lorsqu’on joue collectif, on finit par y arriver, ensemble.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Le chef d’entreprise est un homme seul. C’est lui qui doit porter la charge de tous les problèmes qui surviennent. Des problèmes de banque et de trésorerie, aux problèmes de mise au point d’un produit ou d’un service, à la discussion avec un client ou un prospect clé, à l’évaluation de la performance d’un salarié. Quand ça ne fonctionne pas c’est vers lui que tous les yeux se tournent. On doit vivre le risque autrement pour être chef d’entreprise. Quand j’entreprends, je ne me demande pas ce qui se passera si jamais ça ne fonctionne pas. Le « ne fonctionne pas » ne fait pas partie de mon schéma de pensée. Pour moi il n’y a pas d’échec. Si je ne parviens pas à l’objectif initial, je parviens quand même à un objectif même s’il peut être différent.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur est le résultat de plusieurs facteurs. C’est avant tout la création d’un collectif qui fonctionne. C’est la création d’une dynamique qui entraine toute une équipe dans le dépassement régulier et la progression. C’est réunir une communauté de personnes qui partagent les mêmes valeurs. La valeur financière est une conséquence de tout cela. Pas le but. La seule poursuite de la création de valeur financière ne permet pas d’atteindre le succès.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Faire en sorte que de nouveaux types de fonds d’investissement émergent avec à leurs têtes des entrepreneurs plutôt que des financiers. Sortir de l’entre-soi du système financier actuel.

b/ Cesser d’attendre que les startups ou les petites entreprises appliquent les mêmes règles que celles des groupes multinationaux ou des entreprises publiques. Le coût de la conformité sociale est exorbitant pour les petites entreprises, avec de surcroit la peur permanente du contrôle et de ses conséquences. Il devrait, par exemple, y avoir un droit du travail simplifié pour les plus petites entreprises, et que l’on cesse de changer les règles aussi souvent.

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