Au fil des lectures : reçu 10/10

décembre 2021

« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)

Ferghane Azihari – Les écologistes contre la modernité – le procès de Prométhée. Presse de la Cité

Les problèmes écologiques, à commencer par les effets du réchauffement climatique, sont incontestables. Ils sont d’autant moins contestables qu’ils sont anciens et accompagnent l’histoire économique la plus ancienne ; depuis toujours l’activité humaine a impacté l’environnement et les ressources naturelles que nos sociétés utilisent au service du développement.

La contribution de ce développement au bien-être collectif depuis plus de deux siècles est lui aussi incontestable : espérance de vie, nombre d’habitants, conditions de vie, éducation, hygiène etc. Pourtant, s’exprime de façon croissante un rejet de la société industrielle qui hier était accusée d’asservir et de paupériser les masses, et dont aujourd’hui on condamne le confort qu’elle leur a apporté au motif de son impact sur l’environnement. Et la thèse se constitue en faveur de la stagnation voire de la régression, thèse des plus opulents qui impose aux plus humbles les vertus de la misère.

Certainement les déçus de l’échec du collectivisme cherchent-ils une autre ressource pour nourrir leur hostilité à l’égard de la société bourgeoise en se dotant d’une morale assez réactionnaire, puritaine et antihumaniste en fait. Car la nature « sauvage » n’existe plus depuis longtemps, elle est humanisée depuis la fin d’Éden. Le progrès économique et technologique reste le moyen le plus sûr, et le plus juste, pour lutter contre les nouveaux risques et continuer d’améliorer le sort des plus pauvres. Ambition qui disparait du programme écologique qui nous est proposé.

Au service de sa thèse, l’auteur nous rappelle tout ce que nous devons à la société moderne.
À commencer par la fin du nomadisme -imposé par l’épuisement des ressources locales- qu’ont permis la mise en culture et l’élevage. Mais il ne faut pas sous-estimer la dureté de cette société agricole, très laborieuse pendant des siècles et peu évolutive. La société industrielle a apporté ensuite les bienfaits sociaux que la gauche a toujours revendiqué. Ainsi en 1870 il fallait 3168 heures de labeur par an pour que le travailleur s’offre son niveau de vie alors qu’il n’en faut plus que 1443 aujourd’hui pour s’offrir le niveau de vie du XXIe siècle. Et c’est bien la productivité et son augmentation qui permettent de créer plus avec moins. Si le progrès économique n’entraine pas nécessairement de progrès moral, les guerres sont décidées et conduites par les États et pas par les entreprises ; la misère semble bien davantage provoquer les conflits que la prospérité, car elle provoque la rivalité pour les ressources là où la collaboration permet leur valorisation.
Ferghane Azihari démonte ensuite le mythe du paradis perdu : les pollutions, notamment virales, pré-industrielles, la toxicité des huiles et combustibles ne plaident pas en faveur du passé. Et surtout les pays sous-développés sont beaucoup plus toxiques que les nations industrialisées : selon l’indice de performance environnementale de 2020 (universités de Yale & Columbia), les pays les moins bien classés sont en effet le Libéria, la Birmanie, l’Afghanistan, le Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Tchad etc. alors qu’en tête de classement on trouve, le Danemark, la Suisse, le Royaume-Uni, la France…Comme par hasard l’espérance de vie est bien corrélée au niveau de développement qui permet d’accéder aux technologies propres.

L’enjeu climatique exige des réponses qui ne peuvent se construire sur la peur mais qui doivent reposer aussi sur les progrès de la technologie. Les entraves aux progrès technologiques et à leur diffusion sont le vrai risque : la corruption et l’instabilité politique interdisent de faire les bons choix et de les mettre en œuvre durablement. La prospérité reste possible pour le plus grand nombre. La rareté est le propre de l’économie qui s’occupe de la réduire par la fixation libre des prix. Et la finitude des ressources perd son sens quand on voit l’évolution de celles-ci : quelle est en effet la finitude de l’énergie que le soleil nous envoie tous les jours ? Par ailleurs, l’auteur soutient la propriété privée comme meilleur moyen de protection de l’environnement : l’assèchement de la mer d’Aral est le résultat d’une technocratie collectiviste : « ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet des soins les moins attentifs » notait déjà Aristote, et combien d’observations autour de nous confirment cette affirmation !

Enfin dans une partie plus philosophique l’auteur questionne le caractère anti-humaniste de l’écologisme qui se revendique d’une forme d’animisme qui place dieu en toute chose au contraire du panthéisme qui le place au-dessus. Les écologistes ne doivent pas nous faire oublier la fierté de ce que nos sociétés modernes ont accompli en deux siècles : jamais l’humanité n’a été aussi nombreuse, aussi bien nourrie, éduquée et protégée des aléas naturels qu’aujourd’hui. On peut s’interroger sur les effets de la pandémie, la crise économique qu’elle a provoqué et la régression démocratique que l’on observe partout dans le monde. Organiser le déclin économique pour protéger l’homme de lui-même c’est certainement forger ses chaînes pour demain.

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