Parole d’entrepreneur

octobre 2019

Grégory Lefort – Co-fondateur et CEO d’Azendoo et d’Héméra

greg_lefortAprès un début de carrière chez des éditeurs en France et à l’étranger, Grégory Lefort cofonde Azendoo, une startup qui révolutionne le travail en équipe. Après une première levée de fonds en 2012, la startup lance son application et rencontre un rapide succès. En 2014, il reçoit un prix d’excellence Evernote. Suivent plusieurs partenariats stratégiques avec Box, Google, Dropbox, Microsoft et Cisco. Sa startup compte aujourd’hui 350.000+ utilisateurs et plus d’un millier d’entreprises clientes dans 60+ pays. En mars dernier Grégory Lefort et ses 3 associés inaugurent la Halle Héméra, un espace de co-working, d’incubation et d’accélération d’entreprises innovantes, de réseau et d’évènements. Installé dans l’ancien siège historique de Marie Brizard à Bordeaux, totalement rénové et adapté à cette occasion, son objectif principal est d’accompagner de nouveaux entrepreneurs en leur proposant mentorat et transfert de connaissance.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

Mes premières expériences professionnelles ont été déterminantes. Avec un début de carrière dans le cercle de confiance d’un PDG, dans une société que nous avons fait passer de 20 à 300 salariés en 8 ans lorsque j’en suis parti, trouvant que la boîte n’allait plus assez vite. J’ai eu la chance de vivre à ses côtés son aventure entrepreneuriale. Il m’a confié de grosses responsabilités en me poussant très vite dans le grand bain. J’ai donc été très tôt exposé à des expériences très formatrices et à la prise de décision. J’ai finalement vécu la vie d’un entrepreneur sans en prendre le risque. J’ai pu créer et développer dans le monde entier. Ce qui m’a permis de tester, d’essayer, de voir ce qui marchait ou pas. J’ai géré des acquisitions, des fusions, des problématiques de rétention de salariés, des recrutements clés. Lors d’une expérience suivante j’ai géré à Londres une acquisition qui posait des problèmes d’intégration. J’ai fini une fusion, fermé un bureau, recruté une équipe, aligné tout le monde sur un process, et réactivé la croissance. Encore une fois très proche du PDG je suis parti avec lui aux US et j’ai partagé son aventure entrepreneuriale en montant la filiale américaine. Je me suis donc formé à l’entrepreneuriat sur le tas aux côtés d’autres entrepreneurs qui m’ont fait confiance.
J’ai alors ressenti le besoin de faire autre chose et surtout de le faire pour moi. Un ancien collègue m’a proposé de le rejoindre dans la création d’Azendoo et j’ai sauté le pas. L’opportunité de création s’est présentée à moi au bon moment, j’étais mûr, j’étais prêt, il fallait que je le fasse. Je n’étais pas en risque financier et mon épouse était à 100% derrière moi.
Notre succès et notre notoriété acquise avec Azendoo nous a permis de nous associer à nouveau dans la nouvelle aventure de la Halle Héméra, incubateur et accélérateur d’innovation, avec pour objectif principal d’assurer le transfert de connaissance, d’expérience, de vécu aux nouveaux entrepreneurs. En trouvant et en rénovant la Halle on est parvenu à créer un lieu unique pour accueillir les jeunes pépites que nous accompagnons. Nous sommes parvenus à mettre en place un business model rentable avec une équipe dédiée qui gère ce lieu d’entrepreneuriat, de co-working, de réseau, d’évènementiel, et qui nous permet d’assurer notre mission d’accélérateur et d’investisseur dans les meilleures conditions.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Non. Entreprendre est avant tout une question d’état d’esprit. Celui qui rejoint une startup démontre déjà un état d’esprit d’entrepreneur en faisant ce choix.
En emmenant ses collaborateurs l’entrepreneur crée des vocations. Les premiers départs de mon entreprise ont été le fait de collaborateurs qui ont souhaité créer leur propre entreprise. On leur a donné cette envie. On en a accompagné certains. Ils ont connu ce que j’ai connu avant eux. À notre contact ils ont eu du plaisir à entreprendre. On leur a passé le virus.
Les choix de recrutement de l’entrepreneur sont aussi déterminants dans le développement d’une culture d’entrepreneuriat au sein de l’entreprise. Lorsque l’on recherche des compétences techniques particulières on ira chercher des spécialistes, mais pour d’autres postes, comme le développement business ou le marketing, on privilégiera l’état d’esprit entrepreneurial.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

C’est bien de se fixer des missions, de créer de la valeur pour tous et d’aller loin dans le développement individuel, mais il faut que tout ça puisse tenir, donc le rôle du patron reste quand même de faire rentrer l’argent. Soit par le client, soit par levée de fonds, soit par la banque.
Son rôle c’est de faire tenir son projet et lui donner toutes les chances de décoller.
C’est un peu la pyramide de Maslow* appliquée à l’entreprise avec à sa base la nécessité de faire un business profitable.
Et en même temps la base n’est pas une fin en soi. Même les plus riches continuent de s’exposer car ils ne peuvent s’empêcher d’entreprendre.
Créer de la valeur financière rassure tout le monde. C’est quand on a dépassé la contrainte purement financière, que l’on a la sérénité nécessaire. On commence alors à créer de la valeur. Et cette valeur-là sera différente d’une personne à une autre.
Nous pensons que nous avons un petit rôle humaniste en passant le virus de l’entrepreneuriat à d’autres. Nous créons de la valeur quand nous créons des entrepreneurs. Chez Héméra on les élève. Ces entrepreneurs sont passionnants, ils sont toujours optimistes, ils nous emmènent. La valeur c’est aussi la façon dont un entrepreneur vit son projet et comment il le fait vivre à d’autres.
On peut aussi créer de la valeur dans son offre. C’est le cas d’Azendoo, la contraction de agilité + zenitude + productivité. Nos solutions libèrent des interfaces collaboratives défaillantes en faisant gagner du temps, en travaillant dans des environnements plus performants, et en permettant finalement à des entreprises d’être plus efficaces et de durer.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

Éduquer et promouvoir
Éduquer sur le rôle de l’entreprise et de l’entrepreneur dans la création de richesse. Promouvoir l’investissement dans les entreprises. Faire en sorte que le plus grand nombre soit plus au fait des enjeux et des opportunités de la nouvelle économie. Rediriger l’épargne dormante vers l’entreprise, notamment par l’incitation fiscale.

Former
Aujourd’hui tous les produits comprennent du logiciel ce qui induit une demande très forte en ressources de développement. Il faut former plus de développeurs si l’on veut éviter la pénurie. Sans développeur de nombreux entrepreneurs ne pourront pas mener leur projet à leur fin. C’est un vrai gros problème apparu aux US il y a un moment et qui apparaît chez nous aujourd’hui. Recruter un développeur est devenu un vrai challenge. Le retenir aussi. Les entreprises doivent aussi s’adapter dans un rapport à l’emploi totalement bouleversé lorsqu’il s’agit de ce type de métier devenu ultra volatile avec des modalités de collaborations différentes.
Aux côtés du système éducatif dont ça reste la mission, les entreprises doivent aussi assumer un rôle plus important en termes de formation dans ces métiers qui sont essentiels à leur développement.
Les parents aussi doivent accepter de voir leurs enfants s’orienter vers ces métiers plutôt que vers des filières finalement peu qualifiantes.

Développer et activer les réseaux
Développer les opportunités de rencontres entre entrepreneurs et investisseurs, car les belles histoires commencent souvent par des coups de foudre et une envie commune de faire ensemble.
Aussi, faciliter les échanges entre générations différentes d’entrepreneurs qui ne partagent pas forcément les mêmes codes, car tout le monde a à apprendre de l’autre, aussi bien en partageant des années d’expériences vécues qu’en posant un regard neuf sur un monde soi-disant « connu ».

* pyramide des besoins de l’individu avec à sa base les besoins les plus immédiats : respiration, faim, soif…

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