Au fil des lectures : reçu 10/10

mai 2023

« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)

« L’absolutisme inefficace »,
Jean-François Revel 1992

La Décade n’a pas pour mission de chroniquer les livres politiques. Toutefois dans un pays qui a fait le choix d’installer un niveau de dépenses et de recettes publiques tel que l’illustre l’Insee, il est difficile de soutenir que le champ économique échappe à la politique…

Dépenses et recettes publiques

Jean-François Revel (1924-2006), journaliste et essayiste fut aussi enseignant et notamment professeur de philosophie au lycée Jean-Baptiste Say à Paris de 1959 à 1963. Publié en 1992, presque à mi-chemin entre aujourd’hui et la réforme de 1962 instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, l’essai de Revel mérite d’être relu. Cherchant à établir un exécutif stable, la constitution de 1958 a produit une institution présidentielle devenue progressivement omnipotente, irresponsable et finalement inefficace. Le pouvoir présidentiel envahit tout, s’occupe de tout mais paralyse l’action et reste sans prise sur la société et impuissant à réformer. Le pouvoir législatif et le pouvoir judicaire perdent leur autorité, tandis que les médias et les réseaux dictent leur loi. C’est ce que Jean-François Revel appelle l’absolutisme inefficace qui risque de se transformer en anarchie autoritaire. Les lecteurs de la Décade voudront sûrement rapidement (re)devenir de gourmands lecteurs de Revel après cette mise en bouche :

« L’État dépense trop parce qu’il dépense mal. Ce n’est pas verser dans le populisme, c’est au contraire le prévenir, que de pousser le pouvoir à dépenser mieux pour nous permettre de payer moins. L’impuissance gouvernementale à y parvenir explique en grande partie la montée des partis protestataires et le fameux désintérêt des citoyens pour la vie politique classique. Comment demander aux Français le civisme alors que le pouvoir leur donne le spectacle de l’incivisme ? Et il aggrave tout quand il s’efforce de calmer les citoyens non en réduisant les prélèvements mais en jouant la carte du clientélisme catégoriel, avec en outre le dessein d’en fidéliser ainsi un certain nombre en tant qu’électeurs. Cette course à l’abîme a, bien entendu, ses limites comme le montrent les débâcles électorales, chacun finissant par penser qu’il ne reçoit pas assez et qu’il paye trop. »

En attendant de célébrer le centenaire Revel en 2024 dont il sera intéressant de voir la place qui lui sera donnée dans les multiples exercices mémoriels publics, les lecteurs de la Décade visiteront le site chezrevel.net donnant un accès généreux à des archives sonores et vidéo qui rappellent la largeur et la profondeur de la réflexion et de l’œuvre de l’académicien.

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