Parole d’entrepreneur

janvier 2021

Réginald Uzzan – Fondateur de Oxstal

Réginald choisit de faire une école de commerce post-bac. Pour aller plus vite. Et plus vrai aussi, en multipliant les premières expériences en entreprise. Dont un stage ouvrier à Nanterre chez Panzani en 3×8 à emballer des pâtes. Déjà dans le conditionnement…

Réginald se défend d’avoir subi l’influence de son père, lui-même entrepreneur dans les produits textiles pour l’agriculture, lorsqu’il décide de quitter un poste de DG plutôt confortable à l’époque pour créer Oxstal. Pourtant il n’y a qu’un pas entre la ficelle à ballot de paille et le bol biodégradable issu de fibres naturelles.

Oxstal, ennemi juré du plastique, est devenu en 15 ans le leader du conditionnement naturel et durable dédié aux professionnels de l’alimentation. Avec 7 millions de chiffre d’affaires et 3000 clients : traiteurs, chaînes de restauration (Buffalo Grill, Cojean…), hôteliers et groupes de luxe (Alain Ducasse…) et producteurs de plateaux-repas, Oxstal marque le secteur de son empreinte eco-friendly. Cette écoresponsabilité est gravée dans l’ADN Oxstal. Ce qui ne lui a pas rendu les choses simples au début. Proposer des conditionnements durables plus chers et qui ne permettent pas de voir le produit aura été un sacré challenge. Mais aujourd’hui personne n’ose s’en passer et le téléphone ne cesse de sonner.

Pour garder le contact avec son passé de traiteur chez Butard, il crée, avec son frère Mathieu, Épicure. Une affaire de restauration à emporter avec du « fait maison » rue La Boétie à Paris qui produit plus de 400 couverts/jour en 1 heure et demie. Une performance, avec un chiffre d’affaires de 750 000 € et 4 salariés, là où la moyenne du secteur est de 350 000. C’est aussi l’opportunité de bénéficier d’un laboratoire grandeur nature pour tester les nouveaux produits de conditionnement Oxstal…

Et pour assouvir sa soif d’entreprendre, Réginald prend aussi des participations dans différentes aventures. Comme cette distillerie française de whisky à Toulouse. Ou encore cette nouvelle chaîne française de restauration rapide qui développe son réseau de succursales au pieds des tours de La Défense et ailleurs.

Un entrepreneur qui n’a pas l’intention d’en rester là…

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

Mes premiers stages ont vite révélé cette envie chez moi d’entreprendre. J’étais passionné par les cours qui portaient sur le développement de l’entreprise. Je me rappelle cette présentation dans les murs de l’école par la fondatrice de Body Shop. J’étais conquis.
À chaque fois que j’avais la chance d’être au contact direct des entrepreneurs, que je les écoutais parler de leur entreprise, il devenait évident que je voulais suivre la même voie. Cette fonction contrôle de gestion de grands groupes à laquelle ma formation m’avait destiné n’était pas pour moi. Bien trop loin de la réalité du terrain.

Repreneur ou créateur, une fois mes premiers doutes passés, peu importe, je voulais entreprendre. Disposer de cette autonomie, de cette liberté de faire les choix, de prendre les décisions et d’en assumer les conséquences.

Créer et animer une équipe en restant maître du casting était aussi important pour moi. 15 ans plus tard, je me lève toujours un quart d’heure avant le réveil tout excité de la journée qui m’attend.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Tout dépend de la liberté que le chef d’entreprise laisse à ses collaborateurs pour leur permettre de se positionner dans une dynamique entrepreneuriale. N’importe qui a la capacité d’entreprendre dans l’entreprise, mais le principal moteur reste le chef d’entreprise.

C’est celui qui a tout commencé, celui qui est là tous les jours de la semaine, celui qui anime et qui emmène. Il peut donner des envies et susciter des vocations à d’autres collaborateurs autonomes et entreprenants, mais il reste le moteur. La capacité à entreprendre est directement liée à l’énergie que l’entrepreneur injecte dans l’entreprise. Il arrive que des entrepreneurs naturels émergent des rangs. Il convient alors d’en tirer parti pour l’entreprise puis de les aider à voler de leurs propres ailes le moment venu.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur financière est logique. C’est la raison d’être de l’entreprise. On vit dans un monde étrange où plus on fait de pertes et plus on lève de dettes plus on est « génial », mais ça ne doit pas nous faire oublier que le but d’une entreprise est d’être profitable. Maintenir une entreprise à coups de dettes et de subventions, c’est bien ça qui est malsain. La création de valeur passe par la valeur financière, pour pouvoir investir, se développer, embaucher, saisir des opportunités d’acquisitions, rémunérer ses équipes et soi-même à la hauteur de l’investissement de chacun. Une entreprise c’est aussi un patrimoine que le créateur va pouvoir construire pour faire face à une couverture sociale moins favorable que celle des salariés.

Mais la valeur financière n’est pas la seule. Il y a la création de valeur humaine aussi. Une dimension de notre aventure entrepreneuriale dont je suis particulièrement heureux et fier. Chaque année depuis notre création, nous avons créé des emplois. En partant de rien. Sans concours bancaire, car les banques ne trouvaient pas notre projet intéressant. En mettant simplement 20 000 euros chacun de notre poche. Une création régulière d’emplois dans le cadre d’une activité pérenne, avec un plan d’épargne entreprise, permettant à chacun de profiter des fruits de la croissance. En tant qu’entrepreneur, la richesse de l’élément humain au sein de l’entreprise est aussi importante que la richesse financière.

Et puis il y a les valeurs indirectes que nous générons auprès de nos fournisseurs et de toutes les parties prenantes autour de nos activités. Nous avions 300 palettes chez notre logisticien en 2009. Aujourd’hui nous en avons 3000. Notre partenaire logistique a créé 5 CDI pour gérer notre compte.

Il y a 5 ans j’aurais cité le caractère eco-friendly de nos produits, mais aujourd’hui cette valeur spécifique de notre offre est devenue une évidence pour nous et pour notre environnement au sens large.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Accorder le droit à l’erreur et à l’échec. Quand on connaît la faillite en France, on perd tout. On est interdit de gérer pendant 5 ans et on reste un pestiféré bancaire encore plus longtemps. Je ne suis pas sûr que ça suscite beaucoup de vocations. Alors que la création d’entreprise est certainement l’une des clés de la réduction du chômage.

Créer n’est pas une science exacte. Quand on lance une nouvelle offre, personne ne peut savoir si ce sera un succès. Bill Gates en créant le premier « disc operating system » pour PC ne savait pas que ça deviendrait une solution dont plus personne ne pourrait se passer.
Il faudrait créer un statut particulier qui protège le créateur dans la phase initiale de création et qui lui offre une protection personnelle minimum en cas d’échec pour lui permettre de rebondir. Développer par transfert de fonds publics un système plus positif et constructif qui permet de multiplier les créations d’entreprises, et donc les créations d’emplois, plutôt que financer l’assurance chômage.

b/ Faciliter l’accès au financement. Les banques et les investisseurs financent plus facilement un projet « monjardin.com » avec un objectif de rentabilité à l’horizon 2053 qu’une activité traditionnelle de boucherie bien réelle qui cherche à s’équiper pour accélérer son développement.
Lorsque nous nous sommes lancés, aucune banque n’a accepté de nous prêter les moindres fonds pour financer nos premiers équipements. Nous ne rentrions pas dans les bonnes cases…
Aujourd’hui alors que nous gagnons de l’argent, les appels de banquiers pour nous solliciter sont permanents.

c/ Revaloriser l’image des patrons. Le « patron-bashing » en France est nuisible au développement des entreprises. C’est un peu le… ne dites pas à ma mère que je suis patron, elle me croit pianiste de cabaret…
Ce serait bien de promouvoir le rôle de l’entrepreneur dans la prospérité générale.
C’est bien de communiquer sur la sécurité routière ou sur les dangers du tabac, ce serait bien aussi de communiquer sur la valeur que les patrons apportent à la collectivité : de la richesse, des emplois, des impôts et des taxes…
Il faut positiver l’image de l’entreprise et de l’entrepreneur, dès l’école,
et le plus largement possible.

d/ Faciliter l’accès aux marchés d’exportation. La complexité et l’investissement en temps pour une PME qui souhaite développer une activité à l’export sont ahurissants.
Alors qu’il existe une myriade de petites entreprises performantes avec un savoir-faire et une offre uniques qui pourraient se développer hors de nos frontières, à condition de lever ces obstacles. Faire en sorte que ces PME n’aient plus qu’à produire et charger les camions sans avoir à gérer cette complexité. Aujourd’hui celles qui essayent font rapidement demi-tour et n’y vont pas. Alors que ces mêmes entreprises pourraient certainement trouver 15 à 20 points de croissance supplémentaires à l’export.
On imagine aisément la différence que pourrait faire ne serait-ce que 5 points de croissance supplémentaire pour la moitié des 5 à 6 millions de TPE PME françaises. Un vrai levier de croissance économique, et aussi un vrai levier de réduction du chômage.

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