Analyse économique

mars 2016

Dépenses publiques:
savoir apprendre des autres

Dans un document de travail récemment publié, deux économistes du FMI se sont livrés à un exercice de benchmarking de la dépense publique en France : From containment to rationalization : increasing public expenditure efficiency in France, par Jean-Jacques Hallaert et Maximilien Queyranne.

Leur document propose de passer d’une approche de maîtrise à une approche de rationalisation. La stratégie de réduction du déficit en France a tout d’abord porté pour l’essentiel sur l’augmentation des recettes mais, depuis 2014, l’attention se porte maintenant sur la maîtrise des dépenses publiques. Faute d’un réel débat sur les missions de l’Etat, la stratégie adoptée a été d’appliquer un coup de rabot équivalent sur l’ensemble des dépenses. Par un travail de comparaison avec les autres pays européens et notamment avec les plus comparables (Allemagne, Italie, Royaume-Uni), sur le niveau de dépense, sur l’efficacité sociale et économique et sur la nature de ces dépenses, les auteurs ont pu dégager des secteurs où la France dépense plus ou moins bien qu’ailleurs. Globalement, la protection sociale et les salaires expliquent 90% de l’écart de dépense publique entre la France et les autres.

Une des premières constations des économistes est que ces dépenses sociales sont relativement peu efficaces pour réduire les inégalités. Pour un point de PIB, quasiment tous les autres pays arrivent à réduire davantage les inégalités. Autrement dit, les dépenses sociales sont importantes car elles concernent trop de monde. Si la France était aussi efficace que la moyenne de l’UE sur ce plan-là, cela permettrait d’économiser 3,5% du PIB. Ceci doit passer notamment par un ciblage plus grand des aides sociales en fonction des revenus.

La part de dépenses sociales allant aux plus de 65 ans est très supérieure à la moyenne de l’OCDE (10 points de plus) alors que la part dans la population totale n’est plus élevée que de 3 points. Une des conséquences en est que la redistribution fonctionne bien pour les personnes âgées mais mal pour les jeunes. Le taux de pauvreté des enfants est en conséquence anormalement élevé. Ceci s’explique notamment par le haut niveau des dépenses de retraites. Différentes simulations montrent que c’est par l’augmentation de l’âge de la retraite que les plus fortes économies sont atteintes.

Le poids élevé de la masse salariale s’explique essentiellement par le nombre de fonctionnaires et assez peu par le niveau des salaires. Les effectifs ont fortement augmenté dans les collectivités locales, bien au-delà de ce que les efforts de décentralisation justifient. Les auteurs proposent donc de réduire les effectifs, notamment au niveau local. En effet, les collectivités locales ont eu tendance à sacrifier l’investissement pour préserver les effectifs.

Ajusté pour les différences de structure, les salaires publics sont inférieurs de 3,5% au secteur privé mais cela cache de grandes différences. Pour les emplois les moins qualifiés, les salaires sont en réalité supérieurs de 6%, alors que les emplois les plus qualifiés reçoivent des salaires inférieurs de 10% à ceux du secteur privé ! Comment attirer des employés qualifiés dans ces conditions ? Par ailleurs, l’inertie est très forte : d’après les auteurs, le gel du point d’indice en place depuis 2010 n’a eu qu’un effet limité sur la masse salariale du fait des progressions automatiques. Un rapport de l’inspection des finances en 2007 estimait l’effet de dérive lié à ces progressions automatiques et aux promotions à 2% par an. Les auteurs en appellent donc à une réduction de cette automaticité.

Le niveau élevé de dépenses de santé est relativement efficace en permettant un niveau élevé de santé, mais des efforts peuvent encore être faits. Les auteurs proposent une limitation des remboursements pour les soins non essentiels, une augmentation du recours aux génériques et une rationalisation du recours à l’hospitalisation.

Notre indemnisation chômage est particulièrement généreuse : la France est le pays où l’on a le plus rapidement droit à des indemnités, le plafond d’indemnisation est élevé, il n’y a pas de dégressivité des allocations et les conditions caractérisant une offre d’emploi raisonnable, pour exiger sa reprise, sont élevées.

D’autres éléments sont mentionnés comme une plus grande autonomie des établissements scolaires, une concentration des dépenses scolaires sur les élèves en plus grandes difficultés, une réforme de l’aide au logement dont le principal impact a été d’augmenter les loyers. Les efforts de regroupement des collectivités locales sont insuffisants, notamment au niveau des villes puisque le nombre de communes pour 100 000 habitants est de 58 en France contre 18 en moyenne dans l’UE. Les clauses de compétence générale sont un facteur important de dérive, entrainant des doublons importants dans les dépenses.

À la lecture, le travail d’analyse de ces économistes confirme finalement ce qui est connu depuis longtemps. L’intérêt de ce genre de travail est d’ouvrir les yeux sur ce qui se fait à l’étranger. La comparaison avec les autres pays permet d’illustrer les « typicités » de la France et surtout de montrer que le montant de la dépense publique n’est pas le gage d’une plus grande efficacité sociale. La plupart des pays qui ont su réduire leurs dépenses l’ont fait en recentrant leurs missions plutôt que par une baisse indiscriminée des dépenses. Comme le disait Pierre Mendès-France, « gouverner, c’est choisir ».

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