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mai 2020

« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)

Toute la classe recalée en démographie ! (2)

Nous poursuivons notre exploration démographique entamée le mois dernier. Alors que chaque jour donne lieu à publication de chiffres apparemment terrifiants sur le nombre de morts et le nombre de malades associés au Covid-19, il n’est pas inutile de revoir quelques chiffres largement ignorés. La mortalité, comme la natalité et bien d’autres éléments de la démographie sont des composantes essentielles du fonctionnement de l’économie. Attachée aux chiffres et aux faits, la Décade vous propose d’en partager quelques-uns.

Rappel : nombre de morts en France en 2019 :
607 516, soit 56 626 par mois, soit 1 664 par jour.

Nous avons vu le mois dernier que le nombre des décès varie d’un département à l’autre, souvent et assez logiquement en fonction de l’âge moyen de la population du département. Nous avons vu aussi que la mortalité pouvait varier d’une année à l’autre en fonction de phénomènes naturels malheureusement incontrôlables par l’activité humaine ou sociale : prévalence de la grippe saisonnière ou canicule, comme en 2003 et de façon plus modérée en 2019.

Il est intéressant de regarder les causes des décès en France en 2016 :


On note donc que les cancers et les maladies cardio-vasculaires représentent 53% des causes de décès, soit plus de 300 000 morts par an. Le tabagisme qui influence ces deux pathologies se voit attribuer à lui seul environ 70 000 décès sur ce total. Il est frappant que les bureaux de tabac au titre de commerce essentiel aient été maintenus ouverts pendant la période de confinement. Plus généralement, notre tolérance collective et nos politiques publiques semblent bien différentes selon les causes de décès. Les moyens mis avec succès pour réduire les accidents mortels sur la route autour de 3 000 pourraient être comparés à ceux mis pour réduire les suicides qui s’élèvent à plus de 8 000. Comme pour le tabagisme ces décès interviennent du fait de l’homme, et on a vu pour la mortalité routière l’impact positif des politiques publiques. Pour autant le tabac n’a pas été interdit, ni la circulation routière d’ailleurs. On constate par ailleurs que les maladies infectieuses provoquent plus de 10 000 décès par an.

Ces chiffres et ces politiques sont à mettre en rapport avec ceux concernant le Covid-19, tels qu’on peut les mesurer ou les déduire des statistiques récentes :

On constate, comme prévu, une surmortalité significative sur les trois premières semaines d’avril. Au 8 mai il était imputé 26 230 décès au virus, encore qu’il soit difficile de dire si les décès sont intervenus à cause du virus ou avec le virus étant donnée la concentration de la mortalité sur les classes d’âge les plus élevées.

Nombre de décès en France au 20 avril 2020
Effectif cumulé depuis le 1er mars

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Note : ensemble, des décès, transmis par voie dématérialisée ou par voie papier par les mairies à l’Insee. Compte tenu des délais de transmissions et de gestion, l’Insee publie les décès jusqu’au 20 avril. Ces données sont provisoires et seront actualisées chaque semaine.

Evolution des décès cumulés du 1er mars au 20 avril 2020 rapportés aux décès cumulés du 1er mars au 20 avril 2019 par sexe et âge

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Note : ensemble, des décès, transmis par voie dématérialisée ou par voie papier par les mairies à l’Insee. Compte tenu des délais de transmissions et de gestion, l’Insee publie les décès jusqu’au 20 avril. Ces données sont provisoires et seront actualisées chaque semaine. Champ : France hors Bouches-du-Rhône

Pour autant, l’excès de décès atteint son maximum au cours de la première semaine d’avril, plus tôt que nous ne l’écrivions dans la Décade du mois d’avril, ce qui va conduire à une pente plus faible de la progression du cumul des décès annuels.

Nombre de décès par jour jusqu’au 20 avril 2020

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Note : ensemble, des décès, transmis par voie dématérialisée ou par voie papier par les mairies à l’Insee. Compte tenu des délais de transmissions et de gestion, l’Insee publie les décès jusqu’au 20 avril. Ces données sont provisoires et seront actualisées chaque semaine.

Si le maximum de mortalité a été atteint au cours de la première semaine d’avril, c’est que le maximum de l’épidémie a été atteint la deuxième semaine de mars, entre le 12 et le 15. Le décès intervient en moyenne 22 jours après l’infection. Pour confirmation, on peut zoomer sur les décès en hôpital qui est une série assez fiable pour se faire une idée plus précise du phénomène :

Nombre de décès à l’hôpital glissement sur 7 jours – Source : data.gouv.fr

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Très certainement le confinement du 16 mars a accéléré la régression de l’épidémie. Sa prolongation, le 13 avril, jusqu’au 11 mai sera sans doute questionnée au regard de ses coûts et bénéfices, qu’ils soient sanitaires ou économiques. Sera sans doute aussi questionnée à cet égard la lenteur du dé-confinement.

Alors que la peur, voire la terreur, s’est diffusée dans la population et chez bon nombre de dirigeants, il est essentiel de porter un regard statistique précis et rationnel sur la mortalité de la pandémie qui nous touche. En supposant le maintien de mesures d’hygiène simples à respecter et non coûteuses et sans canicule ni grippe saisonnière trop marquée, la mortalité en 2020 en France sera supérieure mais finalement assez proche de sa moyenne récente. Et celle de 2021 sensiblement inférieure…si le confinement n’a pas d’effets délétères à retardement.

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