Analyse économique

mai 2020

Z,V,U,W,L : l’alphabet de la reprise

C’est devenu une banalité de le dire, mais la récession actuelle est exceptionnelle à plus d’un point. Par son ampleur et sa rapidité, mais aussi et surtout parce qu’elle est d’une nature très particulière. Loin d’être la conséquence d’une hausse des taux ou d’un durcissement de la politique budgétaire dans une économie où des excès se sont formés, ou encore le résultat d’un renchérissement brutal du coût de l’énergie comme en 1973, cette récession a été provoquée par les mesures de confinement destinées à lutter contre l’épidémie de Covid-19. En conséquence, l’INSEE estime que l’activité est actuellement inférieure de 35% à la normale, une baisse jamais atteinte dans l’histoire économique.

Dans quelles conditions, l’économie repartira-t-elle après ce choc ? Cela dépendra de nombreux facteurs, tant au niveau de l’épidémie que de celui de l’impact de cette suspension d’activité et de l’accumulation de dettes sur les entreprises. Plusieurs scénarios de reprise sont envisageables.

Une reprise en Z, c’est lorsque l’activité redémarre tellement fortement que la perte d’activité passée est compensée et que le PIB reprend la trajectoire qui était la sienne précédemment. Ce genre de reprise se produit quand une partie de l’activité économique est « empêchée » par un choc exogène pour un certain temps et que cette activité est « rattrapée » par la suite. C’est un scénario que l’on pourrait observer pour un certain nombre de biens durables, dont l’achat a pu être seulement reporté.

Une reprise en V, c’est lorsque l’activité retrouve rapidement la tendance qui était la sienne avant la crise, sans toutefois rattraper la récession passée. Elle suppose que les conditions de l’activité économique reviennent totalement à la normale. Or cette fois-ci, l’activité a été particulièrement touchée dans les services, secteurs pour lesquels il est difficile d’imaginer un rattrapage : il est peu probable que les gens aillent deux fois plus au restaurant ou prennent deux fois plus l’avion pour compenser les repas au restaurant, les voyages en avion non effectués.

Il existe une variante à la reprise en V qui ressemble à une racine carrée. Elle semble plus probable dans le contexte actuel. Dans un premier temps, une fois les mesures de confinement levées, l’activité revient à la normale dans un certain nombre de secteurs, mais elle reste atone, ou en tous cas se redresse très lentement dans un certain nombre d’autres secteurs.

Le scénario en U est celui d’un V qui prend du temps à se dessiner. Pour différentes raisons, l’activité économique tarde à redémarrer, mais elle prend progressivement de la vigueur, avec l’assouplissement progressif des mesures de distanciation et le retour de la confiance. Mais ce mouvement prend beaucoup de temps pour se produire.

Le scénario en W verrait l’activité rechuter après une première reprise suite à une nouvelle vague d’épidémie entraînant de nouvelles mesures de confinement et donc un nouveau choc sur l’activité économique. Mais in fine, le PIB retrouve son potentiel.

Le scénario en L est le pire puisqu’il voit l’économie rester durablement en dessous du potentiel d’activité économique qui prévalait avant la crise. Cela ne signifie pas que le PIB ne repassera pas au-dessus de son dernier point haut ou que le taux de chômage ne rebaissera pas, encore moins que la croissance sera plus faible que par le passé, mais une partie de l’activité économique semble détruite à jamais. Cette trajectoire a d’ailleurs été observée aux États-Unis suite à la crise de 2008-2009. Ce scénario pourrait se produire si une partie de l’activité économique restait durablement affaiblie. Ce pourrait être le cas si le développement des téléconférences ou la simple aversion pour le voyage dissuade les gens de prendre l’avion autant que par le passé, ou si un certain nombre de personnes basculent en télétravail et consomment donc moins de « transport ».

Z,V,U,W,L : l’alphabet des reprises économiques

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Quel scénario l’emportera ? Il est trop tôt pour le dire, et ce d’autant que cette récession est vraiment sans précédent, rendant l’analyse complexe.

Le plus probable reste néanmoins que la sortie de confinement permette une reprise dans une bonne partie de l’activité économique, celle où les mesures de distanciation sociale auront peu d’impact mais que dans les secteurs où ces mesures sont plus gênantes, la reprise soit plus longue. Ce serait donc un scénario en racine carrée. La levée des mesures de distanciation, pour peu qu’elle s’accompagne d’un regain de confiance, permettrait d’accélérer le mouvement. La question la plus importante reste de savoir si nous sommes face à une reprise en L ou pas. En effet, toute autre forme de reprise ramènerait l’économie sur sa trajectoire et donc la capacité de création de richesse de l’économie resterait la même. En revanche, une reprise en L marquerait un appauvrissement durable de nos économies.

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