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février 2015

« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)

Ca n’a pas marché, alors il faut continuer !

Philippe Martinez (CGT) et Laura Slimani (jeunes socialistes) :

Emmanuel Macron, à la veille de sa nomination, déclarait : « Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches dans le cadre d’accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. »  Après 15 années d’existence, la remise en cause des 35 heures semblait enfin se préciser.

Mais plus récemment, Philippe Martinez, fraichement nommé à la tête de la CGT, a affirmé sur France Inter qu’une réduction du temps de travail était  « incontournable » en France pour créer des emplois, estimant qu’un passage aux 32 heures ne serait « pas une absurdité ».

Pour ne pas être en reste, Laura Slimani, présidente du MJS, a déclaré à Sud Radio que « la seule mesure qui a créé massivement de l’emploi ces dix dernières années, ce sont les 35 heures de Martine Aubry.  Je suis de ceux qui pensent, aujourd’hui, en 2015, au XXIème siècle, qu’il faut réduire le temps de travail. C’est parce qu’on a des gains de productivité qui augmentent tellement qu’on ne peut travailler autant. »

Deux raisons nous sont avancées ici pour justifier les 35 heures et maintenant les 32 heures :

– Nous produisons plus que nous ne pouvons consommer donc il faut diminuer notre capacité de production.
– Diminuer notre temps de travail permet de laisser de la place à ceux qui ne travaillent pas et donc diminuer le chômage.

Quant est-il réellement ?

En ce qui concerne la première raison, Paul Krugman, prix Nobel d’économie, la discréditait déjà en 1997. Dans un article intitulé « Is capitalism too productive ? » publié dans Foreign Affairs, il expliquait que la doctrine économique qui servait de justification théorique à la réduction du temps de travail mise en place par le gouvernement Jospin reposait sur trois idées centrales :

– La capacité productive mondiale croit à un taux exceptionnel.
– La demande dans les pays développés ne peut pas suivre le rythme de la croissance de l’offre.
– La croissance des pays émergents contribuera beaucoup plus à l’offre qu’à la demande.

18 années ont passé et nous savons maintenant que ces idées ne reflètent aucune réalité. Mais déjà en 1997, Krugman concluait son analyse en écrivant :

« Imaginer des problèmes qui n’existent pas a un vrai coût. En ce qui concerne les partisans européens de cette théorie, leur fatalisme est frappant : ils semblent avoir abandonné l’idée de faire croître l’économie Européenne. Et ce fatalisme semble déjà, au moment où on l’écrit, avoir rendu le gouvernement Jospin totalement inefficace. »

Quant à la seconde affirmation, il serait facile de conclure que diminuer le temps de travail permet de diminuer le chômage. Théoriquement, si quelqu’un travaille 70 heures par semaine, le limiter à 35 heures conduirait en effet à la création d’un nouveau poste. Cela implique que toute chose reste égale par ailleurs. En revanche, si les salariés effectuent des heures supplémentaires, si les entreprises substituent des machines à la main d’œuvre ou si les clients consomment moins d’un produit plus cher, alors l’effet sur l’emploi est éminemment négatif. L’OCDE, à l’instar de la plupart des économistes, explique dans une étude commandée par l’Elysée fin 2013, que « l’écart de niveau de vie entre la France et les pays les plus riches de l’OCDE tient largement à la sous-utilisation du facteur travail… » Le recul prononcé du nombre d’heures travaillées a tout juste été compensé par des gains de productivité.

Avec un chômage qui s’élève à 10,2% de la population active, contre 4,9% en Allemagne, il est bien difficile en 2015 de soutenir que les 35 heures ont eu un effet positif sur l’emploi en France et d’avancer cette théorie douteuse pour justifier une nouvelle diminution du temps de travail.

Comme l’écrit Jean-Baptiste Say, il est grand temps de mettre en place une politique de l’offre ayant pour conséquence une stimulation de la croissance plutôt qu’une politique de la demande qui pense que les 35 heures et maintenant les 32 heures, vont diminuer le chômage et augmenterait la consommation. Car jamais ne se posent les questions de la perte de compétitivité ni du financement d’une telle mesure, sauf à proposer aux français de travailler moins pour gagner moins…

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