Analyse économique

janvier 2023

Crise énergétique en Europe, où en sommes-nous ?

Les derniers mois de l’année 2022 ont vu se multiplier les nouvelles alarmistes sur la situation énergétique en Europe. Les prix du gaz ou de l’électricité ont atteint des niveaux extrêmement élevés. Un rationnement du gaz, des coupures d’électricité étaient évoqués. Quelques mois plus tard, on ne parle presque plus de ce risque. Que s’est-il passé ?

Le gaz joue un rôle particulier dans l’économie énergétique de la zone euro. En effet, le prix de marché de l’électricité est déterminé par le prix du Kwh marginal et non pas par le prix moyen. C’est le système du Merit Order. Pour résumer, toutes les sources de production d’électricité sont classées par ordre de coût, et le prix du marché est déterminé par l’offre et donc le coût de production du producteur qui fournit le « dernier » Kwh nécessaire pour répondre à la demande. Il se trouve que sur les dernières années, ce sont les centrales à gaz qui se trouvent dans la zone correspondante. L’envolée des prix du gaz a donc décalé la courbe d’offre, ce qui a eu pour effet de faire augmenter également les prix de l’électricité.

L’essentiel de l’approvisionnement en gaz de l’Europe se fait via des gazoducs et la Russie représentait à peu près 40% de nos ressources. En représailles contre le soutien européen à l’Ukraine, la Russie a fortement réduit ses approvisionnements. Dans cette situation, l’Europe devait soit trouver de nouveaux fournisseurs, soit réduire fortement sa consommation de gaz. Du côté fournisseurs, après avoir maximisé les approvisionnements via gazoduc de Norvège et d’Algérie, les européens ont pu importer massivement du gaz liquéfié. L’Union Européenne importait en moyenne 6 milliards de m³ de gaz mensuellement entre 2019 et 2021, quantité portée à 10 milliards depuis quelques mois. Ceci a permis que les approvisionnements 2022 soient à peu près les mêmes qu’en 2021. Par ailleurs, la demande a fortement chuté, grâce aux températures très élevées mais pas seulement : si l’on ajuste des températures, on constate tout de même une baisse notable de la consommation.

Finalement, ceci a permis de commencer l’hiver avec un niveau de stockage de gaz très élevé. Et comme les températures sont restées douces, le niveau de stockage à mi-janvier est historiquement élevé à 82%. Ceci va permettre d’éviter la mise en œuvre de mesures de rationnement pour cet hiver.

Union Européenne : taux de remplissage des capacités de stockage de gaz

Pour le marché de l’électricité, la deuxième bonne nouvelle, outre la baisse des prix du gaz liée aux développements présentés ci-dessus, c’est la remise en production à un rythme beaucoup plus rapide que prévu du parc nucléaire français. Ceci a permis à la France de reprendre sa position d’exportateur d’électricité vers ses voisins.

France: production d’électricité du parc nucléaire
(Gwh/jour, moyenne sur sept jours)

Du fait de ces évolutions, les prix de l’électricité et du gaz de gros ont déjà fortement baissé. Mais il faut être prudent et ne pas en déduire un repli des prix pour les consommateurs et les entreprises. En effet, toute la hausse passée des prix n’a pas encore été impactée. Néanmoins, si l’on ajoute à cela l’ampleur des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises, estimées à près de 200 Mds EUR pour 2022 par la Commission européenne, cela explique que l’activité économique résiste mieux que ce que l’on pouvait penser il y a quelques mois.

Europe: Prix de l’énergie (EUR / MWh)

Le problème énergétique Européen est-il pour autant résolu ? Il faut rester prudent. Premièrement, si les prix ont fortement baissé, ils restent très supérieurs à ce qui prévalait avant la fin 2021. Ils vont donc rester pénalisant pour un certain nombre d’activités économiques. Deuxièmement, l’équation énergétique de 2023 n’est pas totalement résolue. N’oublions pas que durant la première moitié de l’année dernière, les approvisionnements russes étaient normaux : sur la base des derniers flux, il faudra donc encore trouver 30 Mds de m³ supplémentaires par rapport à 2022. Or le marché du gaz liquéfié ne devrait pas connaître d’augmentation significative de l’offre avant trois ans et 2023 devrait voir le retour sur le marché de la Chine qui avait fortement réduit ses importations l’année dernière dans un contexte de zéro-COVID. Enfin, la météo pourrait se montrer moins favorable l’année prochaine. Le marché du gaz pourrait donc causer encore quelques soucis aux européens l’année prochaine.

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