Analyse économique

janvier 2024

De l’appauvrissement relatif

Les derniers mois, les articles se sont multipliés sur les touristes américains faisant étalage sur les réseaux sociaux de leurs déboires et déceptions quant à leurs vacances en Europe, la principale récrimination portant sur l’absence de climatisation. Si l’on peut à juste titre trouver bien ridicule bon nombre des plaintes de ces personnes, cela peut aussi être le symptôme d’une réalité économique bien malheureuse, qui est celle de l’appauvrissement relatif d’une bonne partie des pays européens, et notamment de la France par rapport aux États-Unis.
En effet, les données du FMI du PIB par habitant corrigées de la parité de pouvoir d’achat permettent de comparer les niveaux de richesse produite dans les différents pays. La parité de pouvoir d’achat permet de corriger les données des écarts de prix pour des produits et services équivalents. Par exemple si un service coûte 100 USD dans un pays donné et qu’exactement le même service coûte 150 USD à taux de change courant dans un autre pays, les données de ce dernier pays seront divisées par 1,5 pour être comparable en termes d’utilité.
Comme le montre le graphique ci-dessous, alors que l’Allemagne, la France et l’Italie avaient tous un PIB par tête à peu près égal à 85% de celui des États-Unis au début des années 80, seule l’Allemagne a réussi à se maintenir à peu près à ce niveau là depuis lors. En France, cette mesure est tombée à 73% du chiffre américain. En Italie, la chute a été encore plus violente à 66%. De son côté l’Espagne est restée à peu près stable autour de 63-65%.

PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat en pourcentage des États-Unis

La comparaison avec les différents Etats américains est peut-être encore plus frappante. En 2022, le PIB par habitant de la France était de 42 350 USD, ce qui la place en dessous de l’État le plus pauvre des États-Unis, le Mississipi qui affichait alors un PIB par habitant de 47 190 USD.
Evidemment, le niveau de développement d’un pays ne se mesure pas qu’à l’aune du PIB par habitant, et les travaux d’Angus Deaton ont bien montré les limites du modèle américain, mais le PIB reste la principale mesure de la capacité d’un pays à financer des prestations de qualité. Les prélèvements peuvent être plus ou moins judicieux, les dépenses plus ou moins pertinentes et bien allouées et les États-Unis laissent sans doute bien à désirer de ce point de vue-là. Néanmoins il ne peut pas y avoir d’autre base à un système social pérenne qu’une réelle prospérité économique dont nous semblons nous éloigner de plus en plus.

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