Parole d’entrepreneur

mars 2023

Églantine Sir – Fondatrice de ResetParis

Instagram : @reset_paris
LinkedIn : @Eglantine
LinkedIn : @reset_paris

Églantine Sir est née à Séoul, en Corée du Sud. Elle est adoptée à l’âge de 18 mois par un couple de français, tous deux d’origine étrangère. Son père fuit le régime communiste Tchécoslovaque à l’âge de 17 ans. Sa mère, française depuis plusieurs générations, est issue d’une famille aristocrate polonaise qui a fui la révolution. Ils ont tous les trois en commun un début de parcours sous forme de … Reset.
Après une scolarité très classique chez les sœurs à Paris dans le septième arrondissement, elle s’oriente vers le droit. Un choix de raison. Ses parents n’ont pas les moyens de financer l’école de journalisme ou l’école de commerce envisagées parmi les multiples envies d’Églantine à l’époque.

Elle passe son barreau, et grâce aux stages et aux emplois à mi-temps occupés dans différents cabinets d’avocats pendant ses études, elle est prise en fusions-acquisitions chez Jones Day, un cabinet d’affaires américain. La clé de l’indépendance pour Églantine qui quitte enfin la maison.

Pendant 11 ans, les opérations se succèdent, nuit et jour. C’est très dur, mais Églantine apprend le métier, elle développe ses compétences, sa persévérance et sa résilience.
Fatiguée par le rythme effréné de la profession, et alors que tous lui conseillent de rester au chaud là où elle est, elle décide de tenter l’aventure en entreprise. Ce sera la direction juridique d’Amazon, le e-commerce, un monde totalement nouveau pour elle. La pression ne faiblit pas, mais Églantine se frotte à de nouvelles disciplines, elle enrichit ses compétences, elle apprend à trancher et à décider dans une maison où l’esprit entrepreneurial est roi, où tout est possible.

Comme d’autres chez Amazon à l’époque, c’est un side-project qui va amener Églantine Sir vers l’entrepreneuriat. Elle accompagne, puis s’associe à un ami norvégien dans la création d’une nouvelle marque de mode en ligne, verticalement intégrée où l’on maîtrise tout, du design à la production, de la commercialisation à la vente. Une offre en ligne de produits de luxe éthiques à prix raisonnables. Passionnée de mode depuis toujours, Églantine s’engage à fond dans ce nouveau projet. Son associé est basé à Oslo, leur designer, d’origine vénézuélienne, et leur directrice de studio singapourienne sont basées dans leur studio de création à Londres. L’affaire se développe plutôt bien. Mais les deux associés ne s’entendent plus et sont contraints d’arrêter la marque.

Forte de cette première expérience et contaminée par le virus de l’entrepreneuriat, Églantine décide de se lancer en 2019, seule cette fois, dans la création de Reset Paris. Une offre de santé et de bien-être destinée aux entreprises et aux stakhanovistes du M&A, et d’une manière générale à tous ces professionnels qui passent leur vie à travailler sans avoir le temps de s’occuper de leur santé physique et psychologique. Un terrain bien connu pour Églantine qui est passée par là…
Après un démarrage retardé par l’épisode COVID, Reset Paris propose depuis l’année dernière aux entreprises des programmes sur-mesure de santé et de bien-être conçus en collaboration avec un écosystème de professionnels (médecins, pharmaciens, psychologues, psychiatres, thérapeutes et experts indépendants) triés sur le volet.

1) Pourquoi être devenue entrepreneure  ?

Lors de mon pot de départ chez Amazon, tout le monde me disait : « C’est hyper courageux ce que tu fais de quitter un job stable et bien payé ».
Pour moi, quitter ce job était une évidence. Je ressentais le besoin de sauter le pas pour donner une chance à mon projet entrepreneurial…
Et puis, j’avais envie d’être mon propre maître, de prendre mes propres décisions. J’avais passé l’âge de faire des choses dans des conditions qui ne me convenaient pas.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Je laisse beaucoup d’autonomie aux gens avec qui je travaille, à mes équipes. J’attends d’eux qu’ils se comportent comme de vrais entrepreneurs au sein de l’entreprise. Il y a cependant une différence entre être entrepreneur et travailler dans une entreprise.
Être entrepreneur, c’est être capable de prendre des risques inconsidérés. Créer une entreprise c’est, pour moi qui me suis lancée alors que j’étais enceinte, un peu comme faire un bébé… On est prêt à tout pour son entreprise. On se met en danger financièrement, on prend des risques en permanence. On a une perception du danger qui est différente. On ne peut avoir peur ni de l’avenir ni de l’échec, et on doit toujours aller de l’avant quoi qu’il arrive…

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Pour moi c’est avant tout avoir un impact sur les choses et sur les gens.
C’est vraiment ce que j’ai recherché depuis toujours, c’est pour ça que je fais ce que je fais aujourd’hui. Je voulais vraiment m’investir dans une approche humaine. Faire du bien. Sans savoir trop comment, d’ailleurs. Mais faire quelque chose qui a du sens, dans notre société.
Dans mon modèle, c’est l’entreprise qui finance les programmes de santé pour ses salariés, ce qui me permet de travailler avec les meilleurs spécialistes dans leur domaine et de permettre à des personnes qui n’ont pas forcément les moyens ou le carnet d’adresses, d’avoir accès à des soins de qualité parfaitement adaptés à leur situation. La rentabilité, la création de valeur financière est nécessaire pour rendre tout ça possible, mais ça n’est pas ce qui me motive. Cela constitue seulement un moyen pour moi.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Simplifier les procédures administratives

Avant Reset Paris SAS, j’ai créé une société commerciale en Angleterre. Là-bas on crée une société seulement en quelques minutes en ligne, et cela ne coûte presque rien. Lorsque j’ai créé ma société en France, ça a été le parcours du combattant et cela a pris des mois, à cause de divers disfonctionnements administratifs. Pour une petite structure comme ma mienne, pour qui le temps est si précieux, cette perte de temps et d’énergie rend fou.

b/ Faciliter le financement des petites entreprises.

Quand on parle d’entrepreneuriat en France aujourd’hui, on met toujours en avant les méga startups ou les licornes, mais en fait, le gros de l’entrepreneuriat, ce sont toutes ces petites entreprises anonymes qui n’arrivent souvent pas à se financer, faute de soutien et de visibilité.
Si ce n’est pas le rôle des banques, alors nous devons trouver des moyens de les aider.

c/ Ouvrir notre système d’éducation, arrêter de catégoriser, accepter l’idée que tout est possible.

On met trop souvent les gens dans des cases. On réduit leur univers de possibilités. Ce n’est pas parce qu’on a démarré dans une direction professionnelle que l’on n’a pas la capacité à en changer de façon radicale. Quand j’ai lancé Reset, tout le monde m’a dit, « …mais tu n’es pas médecin, tu n’es pas pharmacien, mais comment vas-tu pouvoir faire ça ou ça… ». Je trouve que c’est un discours que l’on entend trop souvent, et qui dissuade les gens de se lancer, d’entreprendre. C’est peut-être dans le système d’éducation, dans les écoles, dans les universités, que l’on doit faire évoluer les mentalités. Peut-être attache-t-on aussi trop de valeur aux diplômes aux dépens de l’expérience quand il s’agit d’entrepreneuriat ? Lorsqu’on regarde les États-Unis et la Chine, les personnes qui sont à l’origine des plus grosses réussites récentes sont des personnes qui n’ont même pas fini leurs études.

d/ Développer une approche positive de l’échec.

Dans les pays anglo-saxons, on donne plus facilement leur chance aux gens. On leur dit : « …lance-toi, et si cela ne marche pas, ce n’est pas grave, relève-toi et réessaie ». La perception négative de l’échec est très (trop) ancrée dans notre éducation et dans notre société en France. Nos référentiels doivent changer, aussi bien concernant l’échec que la réussite. Qu’est-ce que réussir finalement ? Est-ce gagner beaucoup d’argent ? Est-ce s’épanouir dans ce qu’on fait ? Est-ce faire quelque chose qui a du sens pour soi et/ou pour les autres ? Nos idées limitantes doivent être dépassées.

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