Parole d’entrepreneur

avril 2019

Éric Scotto – Président fondateur de Akuo Energy

scottoÉric Scotto est un chef d’entreprise engagé, alliant ses talents d’investisseur à ses préoccupations liées au climat. Après dix années dans les technologies de l’information puis deux ans dans la finance et un premier succès en création d’entreprise, il donne une nouvelle impulsion à sa carrière en construisant une première ferme éolienne en collaboration avec General Electric. Il crée ensuite «Perfect Wind», qui devient l’un des leaders de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et sera racheté par le numéro un mondial de l’éolien, l’espagnol Iberdrola.

En 2007, il co-fonde «Akuo Energy», acteur indépendant majeur de la production d’énergie renouvelable. Le groupe inaugure sa première ferme photovoltaïque agri-solaire en 2010, sur l’île de la Réunion. Depuis cette expérience concluante, Éric Scotto ne cesse de développer des centrales solaires innovantes en milieu insulaire, notamment aux Antilles mais aussi en Indonésie, en Uruguay ou aux États-Unis. Avec 64 centrales en exploitation et en construction, le groupe réalise plus de 200 M€ de CA. Son ambition est de proposer des bouquets énergétiques adaptés aux ressources de chaque île (parcs éoliens, centrales solaires). Il est également à l’initiative du concept «d’Agrinergie», qui associe la production d’énergie solaire à une agriculture respectueuse de l’environnement.

Depuis 2007, Éric Scotto est président de l’association ACE qui sensibilise les jeunes aux enjeux de l’environnement grâce aux éco-gestes. En 2011, il participe à la création de la fondation Akuo, qui apporte une réponse écologique et sociale aux besoins de communautés défavorisées. Entre autres actions, la fondation soutient financièrement et techniquement la «Green school», école basée à Bali, dispensant un apprentissage écologique approfondi.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

Au début de ma carrière je ne savais pas trop ce que j’allais faire.
Je rêvais d’être prof’ d’histoire mais en l’étudiant je me suis rendu compte que j’avais envie d’autre chose.
Je ne me voyais pas travailler pour quelqu’un d’autre.
Mon choix d’entreprendre répond à un besoin de liberté, un besoin de création, un besoin de pouvoir m’exprimer.
Le hasard et les rencontres m’ont aussi dirigé vers le métier d’entrepreneur. Je ne l’ai jamais regretté et je crois que je n’aurais pas pu faire autre chose finalement.
Une fois qu’on s’est pris au jeu et qu’on a le virus c’est très difficile, voire impossible, de revenir en arrière.
La clé de mon épanouissement personnel c’est entreprendre.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Tout dépend de l’entreprise, de sa structure et de la nature de son activité.
Cela dépend de la liberté que l’on décide de laisser aux autres d’entreprendre.
Si on organise son entreprise en permettant aux uns et aux autres d’acquérir un maximum de liberté et surtout de responsabilité rapidement, quel que soit l’âge des gens d’ailleurs, si on laisse cet espace à ses collaborateurs, alors on leur permet d’entreprendre à l’intérieur de l’entreprise. Et c’est souhaitable.
C’est comme ça que l’on fonctionne dans notre entreprise. On attend de nos collaborateurs qu’ils aient cette créativité et qu’ils puissent l’exprimer.
Entreprendre est un état d’esprit. Et il est omniprésent dans notre entreprise. Il est clairement reflété dans notre base line « Akuo Energy, entrepreneurs par nature ». C’est aussi ce qui fait qu’aujourd’hui on se démarque dans un secteur qui est devenu « main stream », avec l’innovation industrielle et financière.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur chez Akuo Energy dépasse largement la valeur simplement financière.

La clé de notre business consiste à mettre le long terme au cœur de notre stratégie. En produisant une énergie renouvelable et surtout décentralisée, nous valorisons les territoires et en finançant d’autres activités connexes telles que l’agriculture, la transition agricole, ou les nouvelles solutions de mobilité nous contribuons directement à leur développement. Ce partage de valeur nous permet d’assurer notre présence à très long terme au sein des territoires qui sont nos premiers marchés de consommateurs d’énergie.

Très actifs depuis longtemps sur la restauration des terres vers le bio et la permaculture, nous innovons aussi dans le domaine de la mobilité. Pour permettre aux territoires, et donc au pays, de devenir souverain sur la mobilité, nous avons développé la mobilité électrique et plus récemment la mobilité hydrogène. Toute la chaîne de valeur développée historiquement au Moyen Orient ou au Texas peut être réintégrée sur nos territoires grâce aux énergies renouvelables – photovoltaïque, hydrolienne, éolienne – permettant de produire de l’hydrogène localement par hydrolyse. On modifie ainsi les équilibres à l’avantage des territoires. La création de valeur se fait dans ce nouvel équilibre économique et environnemental que nous provoquons à partir de la production d’énergie renouvelable.

Mais la création de valeur pour nous c’est aussi le développement des femmes et des hommes de l’entreprise, du savoir-faire, de la formation des nouvelles générations dans des activités essentielles pour leur avenir et celui des générations futures.

Il y a aussi, évidemment, la création de valeur financière : le long terme avec la valeur patrimoniale de l’entreprise, le court terme avec les flux qui permettent de réinvestir.

Et enfin le patrimoine industriel de l’entreprise au service de la transition énergétique, et de la transition agricole essentielle pour l’évolution de notre nutrition.

Notre approche holistique des territoires nous permet de présenter un nouveau visage du capitalisme, acteur du développement durable et responsable.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

Enfin !!! Mettre en place un Small Business Act en France pour permettre aux PME et aux ETI d’accéder aux grands appels d’offres. Nous le réclamons depuis des années. Aujourd’hui les appels d’offres profitent essentiellement aux grands groupes qui disposent de plus de moyens que les autres acteurs et bénéficient d’un accès plus simple et moins cher au capital.
Ce qui a provoqué une concentration de notre secteur éliminant des sociétés comme la nôtre, et éliminant la créativité et l’innovation propres à des organisations plus agiles.

Faciliter l’accès aux marchés de capitaux et au financement du BFR
(besoin en fonds de roulement). C’est particulièrement important pour les entreprises des secteurs cycliques où conquérir des clients ou développer des projets prend toujours plus de temps.
La gestion de projets prend du temps. La maîtrise des éléments exogènes et des calendriers est souvent complexe. Et le manque de fond de roulement est souvent mortel pour les nouvelles entreprises qui cherchent à mettre en synergie la vision, l’objectif, et le temps long nécessaire au développement du projet.

Permettre une gestion plus souple des effectifs.
L’entreprise a besoin de cette souplesse pour gérer ses cycles d’activité. Pouvoir embaucher lorsque l’activité se développe mais sans se mettre en danger lorsque l’activité baisse. En tant que chef d’entreprise notre objectif est de créer des emplois pérennes, on est responsable et certainement pas dans une logique d’embaucher-débaucher n’importe comment. Plus de souplesse permettrait aussi de sortir des logiques de contrats courts.

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