Au fil des lectures : reçu 10/10

octobre 2022

« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)

Guillaume BAZOT, « L’épouvantail néo-libéral, un mal très français » P.U.F

Le premier exercice de l’auteur est de questionner : pourquoi les idées fausses s’imposent-elles autant et aussi longtemps ? Pour le comprendre il faut lier vérité et utilité. Il y a des idées vraies et utiles mais aussi des idées fausses utiles à ceux qui les défendent. L’idée fausse mais utile est la caractéristique principale du politiquement correct. En s’appuyant sur des principes évidents : la solidarité c’est mieux que l’égoïsme, et donc il est utile de taxer les riches, par exemple. Ainsi des idées spéculatives, minoritaires, parviennent à obtenir un temps de parole ou de représentation disproportionné et souvent supérieur aux vérités scientifiques (les bienfaits de la vaccination…). Car les médias et les réseaux sociaux favorisent le « débat », voire encouragent les oppositions plutôt que de permettre aux démonstrations, plus exigeantes intellectuellement et moins stimulantes émotionnellement, de s’imposer.

Le discours « moderne » dominant se caractérise par son côté spéculatif (sans fondement scientifique), son relativisme (n’importe quel discours vaut autant qu’un autre) et son caractère suspicieux : la contradiction d’une « vérité morale » est forcément malhonnête. Nous reviennent alors les affirmations de « 1984 » (George Orwell) : « l’ignorance c’est la force, la guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage » qui sont d’une réalité particulièrement actuelle.

Une fois posé le contexte du débat, Bazot s’évertue avec la discipline universitaire classique, mais peu répandue, à traiter scientifiquement quelques sujets économiques qui font l’objet de contre-vérités saillantes. La Décade invite ses lecteurs à dévorer les 240 pages de cet ouvrage pour les trouver. Quelques exemples :

Il n’y a pas d’explosion des inégalités de revenus en France (ni en Europe d’ailleurs) : les transferts sociaux (31% du PIB en France) réduisent la part des 10% les plus favorisés à 25% du revenu total, contre presque 35% avant impôts et transferts. En 1965 les 10% les plus aisés avaient droit à 38% du revenu national et 35% après impôts et transferts.

Le taux de pauvreté absolue, mesuré par trois critères de privations sur neuf (arriérés de paiement, difficulté à se chauffer, ne pas posséder de lave-linge, ne pas avoir de TV couleur, ne pas prendre une semaine de vacances par an etc..) est passé de 14% à 11% des ménages français entre 2004 et 2018, ce qui met notre pays dans la moyenne européenne.

La « financiarisation » de l’économie ne se retrouve pas dans le poids de l’industrie financière dans le PIB (autour de 4%), stable depuis 1980. Les politiques monétaires laxistes et l’explosion des dettes publiques expliquent l’augmentation du volume des actifs financiers et liquidités intermédiés. La dérégulation des années 80 n’est certainement pas à l’origine de ce concept de financiarisation qui ignore la surrèglementation des années 2000 qui perdure et se renforce même, année après année en Europe.

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