Analyse économique

septembre 2023

L’Allemagne, à nouveau l’homme malade de l’Europe ?

La commission européenne vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l’Europe. Pour l’Allemagne, elle anticipe une contraction du PIB en 2023 de 0,4% là où elle attendait une légère progression de 0,2% dans son précédent exercice. Il faut remonter à vingt ans, en 2003, pour voir le PIB allemand se contracter et les autres grands pays européens croître. Le titre d’homme malade de l’Europe avait été attribué au pays quelques années auparavant par le magazine The Economist. En août, le même magazine vient de reposer la question.

Par bien des aspects, la situation allemande a pourtant de quoi faire des jaloux. En 2003, le taux de chômage allemand venait de passer au-dessus de la moyenne de la zone euro à 9,0% pour aller culminer à 11,2% en 2015, alors qu’aujourd’hui, l’Allemagne affiche un taux de chômage à 2,9% contre 6,4% pour la zone euro. Les finances publiques allemandes affichent une dette sur PIB de 66% contre 91% pour la moyenne de la zone euro ; le déficit budgétaire prévu pour 2023 est de 2,3% contre 4,7% en France.

Il faut dire que le malaise du début des années 2000 a eu l’effet d’un électrochoc, poussant l’Allemagne à se réformer, notamment son marché du travail. Les lois Hartz ont considérablement assoupli celui-ci avec des effets importants. Entre 2002 et 2022, la population en âge de travailler a baissé de 2,8% mais l’emploi a augmenté de 15,4%. Les variations respectives de la France sont de +8,0% et +13,5%. En conséquence, le PIB par tête réel a progressé de 23% en Allemagne contre +14% en France.

Le malaise allemand s’explique davantage par un questionnement sur les perspectives du pays que par une situation présente problématique, car cette faiblesse en 2023 semble interroger le modèle de développement allemand, très dépendant des exportations.

De 2000 à 2015 le commerce extérieur a été un moteur important pour l’économie allemande, contribuant à 0,5% en moyenne à la croissance annuelle, soit plus de 40% de celle-ci.

Allemagne : contribution du commerce extérieur à la croissance, moyenne sur cinq ans

Depuis 2015, la mécanique s’est enrayée. La faute notamment à la Chine, dont les importations en provenance d’Allemagne avaient été multipliée par 3,5 en volume entre 2000 et 2015. Depuis 2015, celles-ci sont en baisse de 4%.

La première source de faiblesse de l’économie allemande est donc sans doute d’avoir trop dépendu de son client chinois pendant des années.

La deuxième source de fragilité est d’avoir dépendu pendant trop longtemps d’un gaz russe bon marché. Même si les énergies renouvelables ont progressé dans le mix énergétique allemand, le choix de s’affranchir du nucléaire après 2011 a rendu l’économie plus dépendante des énergies fossiles. La guerre en Ukraine et ses conséquences sur le marché du gaz a touché de plein fouet l’économie allemande. Certes les prix du gaz ont fortement baissé depuis l’été 2022, mais cela s’est fait notamment par une destruction notable de la demande de gaz et notamment celle de l’industrie allemande.

Allemagne : production industrielle

Troisième source de fragilité spécifiquement allemande : la démographie. La population allemande vieillit et si l’on excepte les apports de population liés à la crise migratoire en 2015 et à la guerre en Ukraine en 2022, la population en âge de travailler est sur une tendance baissière. Le taux d’activité est déjà parmi les plus élevés au monde à 80% des 15-64 ans. Dès lors la croissance tendancielle allemande risque fort d’être sous pression.

S’ajoute à cela les conséquences conjoncturelles du resserrement de la politique monétaire de la BCE sur un secteur comme l’immobilier. En juin dernier, les permis de construire étaient en baisse de 33% sur un an.

Pour autant, ce malaise ne doit pas masquer les forces de l’Allemagne, à commencer par son extraordinaire tissu de PME, qui sauront sans doute faire preuve d’agilité pour s’adapter au nouvel environnement économique. Il est plus facile de transformer l’existant que de réindustrialiser un pays désindustrialisé. De plus, des finances publiques saines permettront au gouvernement de pouvoir accompagner les entreprises dans leurs efforts d’adaptation.

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