Parole d’entrepreneur

septembre 2023

Stéphane Amarsy – CEO de The Next Mind

The Next Mind

Stéphane Amarsy est né à Madagascar. À l’âge de 9 ans il quitte l’Île Rouge pour s’installer à Perpignan avec sa famille. À treize ans il fait les récoltes et donne des cours de tennis pour se payer sa première moto, et marquer ainsi clairement son indépendance. Son bac en poche il intègre la Toulouse School of Economics.

Quand on lui demande si son père entrepreneur a pu exercer une influence quelconque dans ses choix professionnels, Stéphane répond « oui, mais plutôt négativement » : il garde l’image d’un père stressé qui ramène ses problèmes à la maison, souffre des contraintes de son métier, et ne prend jamais de vacances. Tout le contraire d’un homme épanoui. Une bonne raison pour lui de « fuir » le cocon familial le plus rapidement possible.

Son premier job lui en donne l’occasion. En 1994 il commence chez Koba, le nouveau pôle data du groupe Axime qui deviendra Atos, sous l’aile du gourou français de l’époque, Jean-Marie Bouroche. Une collaboration fondatrice qui permettra à Stéphane de prendre à 27 ans la direction du pôle et de ses 30 collaborateurs.

Sa volonté de participer au courant internet, qui se déploie largement en ce début des années 2000, est en décalage par rapport à la vision industrielle du groupe. Lui veut créer, innover.
Il part et crée Inbox avec Marilyn Courtois Perin. Son entreprise, son espace de liberté. Surfant sur le développement de l’Internet et flanqué d’équipes de data scientistes, il se spécialise dans l’analyse complexe des data et le marketing prédictif. L’entreprise grossit et s’internationalise : L’Afrique, le Maghreb, la Russie, puis la Belgique, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Amérique du Nord.

En 2016 c’est le grand virage de l’Intelligence Artificielle. Il lève des fonds et pivote. Il crée le concept d’individuation marketing, ou l’art de prendre en compte la singularité de chaque client, en interprétant de manière intelligente des milliards de scénarii possibles grâce à l’Intelligence Artificielle. Son entreprise prend le nom de D-AIM. En 2021 il fusionne avec Splio, leader du CRM intelligent. Mais l’appel de l’aventure créatrice est décidément trop fort. Il reprend sa chère liberté.

C’est le fruit d’une réflexion prospective que Stéphane a mené sur l’avenir de sa propre entreprise qui lui donne l’idée de créer en janvier 2023 The Next Mind, avec une signature très claire : « Mieux vaut s’occuper du changement avant qu’il ne s’occupe de vous ». Il propose à présent des expériences auprès de dirigeants leur permettant de se projeter dans le futur en rupture et de définir le cœur anti-fragile de leur entreprise. Il identifie avec eux les facteurs de réussite de leur organisation pour faciliter leur adaptation à tous types d’environnements dans le futur, des changements inopinés des marchés aux disruptions introduites par les nouveaux rentrants.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Je suis plutôt difficile à gérer. Si tout s’est bien passé dans mon premier job c’est largement grâce à la relation exceptionnelle que j’ai entretenue avec un boss charismatique et à l’autonomie totale que l’on m’a laissée.
Mais j’ai ressenti le besoin de sortir de cette bulle bien tranquille et facile, de me frotter au monde réel en créant ma propre entreprise, en partant de rien. Rien n’est figé autour de nous. Et j’aime me remettre souvent en question. Dans une structure je suis vite ingérable, ou malheureux.

Créer mon espace de liberté avec ma propre entreprise était devenu évident.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Beaucoup de personnes entreprennent dans l’entreprise à différents moments à condition qu’on leur laisse la possibilité de le faire.
L’entrepreneur présente des traits de caractère qu’on ne trouve pas chez tout le monde. Il a nécessairement peu d’aversion au risque et une part d’inconscience. Un entrepreneur ne peut pas se laisser dominer par l’émotion. J’ai personnellement confiance dans ma capacité à rebondir, à me remettre régulièrement en cause.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Il faut déjà s’entendre sur la définition de la valeur.
La création de valeur doit intégrer l’impact. On l’a trop longtemps ignoré dans notre approche et on en paye collectivement les conséquences aujourd’hui.
La prise en compte de l’impact permettrait d’orienter l’investissement dans la direction d’une économie plus durable.
Il faut dépasser rapidement le niveau d’engagement actuel qui relève trop souvent de la cosmétique et mettre en place des solutions concrètes de mesure de la valeur.
Si l’on devait intégrer des provisions sur impact futur cela changerait totalement la donne par exemple.
Ni purement financière, ni purement humaine, la création de valeur doit se mesurer à l’échelle de l’écosystème, globalement. L’entreprise y joue un rôle central, à condition de produire un impact positif durable dans toutes les dimensions économiques, sociales et environnementales.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Changer l’état d’esprit général sur l’entreprise.
L’enjeu c’est l’état d’esprit. On a construit un état d’esprit d’attentisme, de spectateur.
On n’est pas acteur de notre futur, de nos désirs, de quoi que ce soit.
On attend tranquillement et on manifeste notre désaccord.
On doit développer l’action « multi-humaine » qui conduit à la création d’associations, de coopératives ou d’entreprises.
L’entreprise est un maillon clé du lien social, de la réalité économique d’un pays, d’une grande région comme l’Europe, du monde de l’éducation également.
On doit promouvoir son rôle social, au besoin en changeant par exemple les règles comptables de mesure de la valeur.

b/ Développer le partage et l’association par le modèle coopératif.
Pourquoi de pas mutualiser les ressources entre entreprises non-concurrentes qui ont les mêmes enjeux technologiques ? Quand on voit combien coûte aujourd’hui la cybersécurité, par exemple, quelle est l’utilité pour tout un tas de petites boîtes d’essayer de développer elles-mêmes ces compétences. Ça n’a aucun sens économique. Le seul risque est d’embaucher des gens médiocres parce qu’on n’a pas les moyens de faire mieux et de le payer très cher derrière.
Autant se mettre à plusieurs, employer des cadors et faire de la mutualisation. Le modèle coopératif est très intéressant de ce point de vue.

c/ Baisser les aides pour accélérer la transformation des entreprises.
Quand on voit le déficit public qui ne cesse d’augmenter on se rend bien compte que l’on vit dans une économie fictive.
Baisser certaines aides obligerait de nombreuses entreprises à se transformer pour devenir plus viable, durablement.

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