Analyse économique

décembre 2015

L’exception française

Les dernières statistiques du chômage ont réduit à néant les espoirs que le chiffre de septembre avait pu faire naître.

Avec 42 000 demandeurs d’emplois en plus, la tendance à la hausse semble rester intacte. Les données Eurostat qui permettent de comparer les statistiques entre les différents pays de la zone euro montrent que la France est le dernier grand pays de cette dernière à voir son taux de chômage progresser. A 10,8%, il est maintenant à 0,1% du plus haut historique atteint en 1997. C’est la conséquence d’une spécificité française.

10 plus gros pays de la zone euro:
créations d’emplois et croissance sur un an

Si l’on exclut la Finlande qui reste en récession depuis plusieurs années pour des raisons particulières (effondrement de Nokia, sanctions contre la Russie), aucun des grands pays de la zone euro n’a créé aussi peu d’emplois sur l’année passée. Selon les données d’Eurostat, l’emploi en France n’augmente que de 0,3% sur un an alors que la croissance était de 1,2%. Avec une croissance légèrement supérieure (1,6%), la zone euro arrive à créer 0,8% d’emplois.

Ceci s’explique par une caractéristique du marché du travail en France que l’on pourrait qualifier de préférence du salaire sur l’emploi. Globalement, la croissance des salaires en France est assez peu sensible au cycle économique, ce qui a tendance à renchérir le coût du travail et peser sur la compétitivité de l’économie, mais aussi à réduire l’incitation des entreprises à employer. La variable d’ajustement est alors le nombre de personnes employées.

Les graphiques ci-dessous illustrent bien cet aspect en comparant le comportement des économies allemandes et françaises pendant la crise de 2008-2009 ou pendant la récession de 2011-2013. En France, lors de la première crise, les trois quarts de l’ajustement se font sur les effectifs alors que c’est la moitié pour l’Allemagne. Entre 2011 et 2013, la totalité de l’ajustement se fait sur les effectifs en France alors que la croissance des effectifs ne ralentit quasiment pas en Allemagne.

France: croissance sur un an
de la masse salariale et de l’emploi

France_croissance_sur_un_an_de_la_masse_salariale_et_emploi.jpg

Allemagne: croissance sur un an
de la masse salariale réelle et de l’emploi

allemagne_croissance_sur_un_an_de_la_masse_salariale_reelle_et_emploi

Depuis 2011, même avec un taux de chômage qui continue de croître, le coût réel du travail ne diminue pas. Ceci illustre le travers bien connu du marché du travail français, qui s’est construit pour le plus grand bénéfice des personnes en poste, profitant d’une croissance régulière des salaires, aux dépens des personnes les plus éloignées du marché du travail. Le graphique concernant l’Allemagne montre une nette accélération du salaire réel, conséquence d’un marché du travail qui s’est considérablement tendu avec un taux de chômage à 4,5% selon Eurostat, réalisant par là-même et de manière naturelle le rééquilibrage réclamé à grand cri par certains.

De nombreuses études montrent que l’éloignement durable de l’emploi est destructeur pour les perspectives d’un travailleur. En maintenant un coût du travail trop fort et un niveau élevé de protection des personnes en poste, le système économique français renforce la dualité du marché du travail, au détriment des plus fragiles et de ceux qui ont le plus besoin d’expérience professionnelle.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+