Parole d’entrepreneur

décembre 2022

Nicolas Cuynat – Co-fondateur de Mare Nostrum

La potion magique du BTP

Nicolas Cuynat est grenoblois. Amoureux de ses belles montagnes, il aime particulièrement l’eau qui dévale leurs pentes. Jeune, il pratique pendant de nombreuses années le water-polo. Il nage encore dès qu’il en a l’occasion. Fils unique d’une famille très soudée, ses grands-parents et ses parents sont une source inépuisable d’inspiration pour lui. Son arrière-grand-père paternel mineur a un caractère bien trempé. Sa grand-mère maternelle, déportée ukrainienne, est une combattante qui porte un regard toujours positif sur la vie.

Sa mère fait toute sa carrière d’institutrice à l’école de Pont-de-Claix, ville ouvrière, en ZEP à coté de Grenoble, où le jeune Nicolas grandit dans un vrai melting pot social et culturel.
Son père fait l’école Merlin-Gérin. Entrepreneur dans l’âme, il fait tous les métiers, étudie toute sa vie et obtient un diplôme d’ingénieur à 40 ans. Il finit sa carrière comme dirigeant d’une filiale du groupe Schneider.

Solidement équipé des multiples qualités familiales et d’une « vraie » formation de vente terrain – de la vente d’aspirateurs en porte à porte à la vente en rayon chez Décathlon – Nicolas Cuynat se lance comme alternant dans une société d’intérim dont il prend rapidement la responsabilité d’une des agences. Après un séjour réglementaire sous les drapeaux, il poursuit sa trajectoire chez Randstad. « Une boîte formidable » où il finit sa formation dans l’intérim qui devient une passion. « On donne du travail aux gens et on leur fournit l’accompagnement en aval que Pôle Emploi ne peut pas forcément assurer. Et avec notre approche conseil, notre relation avec les entreprises dans la gestion d’un « produit » plutôt atypique est sans fin en matière de services RH. C’est pour ces raisons que notre métier est passionnant ». Un homme aux valeurs fortes qui expliquent certainement son engagement en tant que président du FCG club de rugby de Grenoble depuis 2019.

Il crée le groupe Mare Nostrum en 2004 pour rassembler les sociétés Trident travail temporaire et Neptune RH. Son nom est un clin d’œil inspiré de la carte qui illustre tous les albums d’Astérix et Obélix. Le groupe est coté sur Euronext Growth depuis 2019.

Mare Nostrum a réalisé un chiffre d’affaires de 155 millions en 2021 avec 420 permanents et 3 000 équivalents temps plein en comprenant les intérimaires. Le groupe spécialisé dans le gros œuvre et les travaux publics développe ses activités en France, au Portugal, en Espagne, en Roumanie, en Pologne et en Suisse, autour de 5 pôles : travail temporaire, cabinet de recrutement, centre de formation CFA et autres formations courtes, portage salarial, et gestion externalisée des contrats courts.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Je pense que j’ai toujours eu cette fibre. Jeune vendeur d’objets publicitaires je suis à deux doigts de monter une affaire dans ce secteur avec quelques copains. Lors de ma première expérience en alternance dans l’intérim je suis déjà patron de mon business.
Chez Randstad à l’époque nous sommes des pionniers, nous créons des groupes métiers, de nouvelles divisions. En 3 ans je suis à la tête d’un pôle BTP Grands Travaux avec une quinzaine de permanents sur plusieurs régions.
Ce sont les batailles de pouvoir au sein du groupe et surtout les barrières à lever pour libérer mes initiatives entrepreneuriales qui m’amènent à sauter le pas. C’est aussi l’opportunité d’embarquer à mes côtés mon concurrent direct chez Adecco, Thierry de Vignemont, sur mon nouveau projet qui précipite ma décision.
Un projet très clair dans ma tête, murement réfléchi, déjà écrit.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Pas chez nous. Notre modèle repose sur un collectif d’entrepreneurs associés que nous fédérons autour d’un projet commun. Notre groupe ressemble d’ailleurs plus à une constellation de PME très agiles avec à leur tête des entrepreneurs.
Il est vrai qu’au sein du groupe mon rôle est particulier car je suis celui qui a pris l’initiative de cette construction. Et à ce titre je dois être un peu fou ou inconscient. J’ai cette capacité à franchir les montagnes russes de notre métier, à digérer rapidement les évènements. Canaliser, partager, c’est un rôle naturel que j’ai toujours aimé assurer.
En même temps je crois que nous avons tous une fibre d’entrepreneur en nous. C’est cette corde que je cherche chez les gens dont je m’entoure. L’état d’esprit entrepreneurial de certains de mes collaborateurs m’a régulièrement bluffé.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Dans le contexte actuel un peu particulier, créer de la valeur c’est déjà faire du résultat.
Tout ce qui vient autour : donner du sens au travail, avoir une raison d’être… est nécessaire mais il faut pouvoir s’en donner les moyens. La première des nécessités pour une entreprise c’est d’être autosuffisante, en capacité d’investir et de financer ses ressources.
C’est ce qui nous permet ensuite de nous poser les bonnes questions. Quelle est notre raison d’être, pourquoi on se lève le matin, où on va, donner du sens à ce que l’on fait et faire en sorte que tout le monde le comprenne.
C’est ce qui nous permet aussi de créer de la valeur au-delà du simple résultat financier, comme produire des formations qualifiantes, entretenir l’emploi et les compétences sur nos secteurs.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Ne pas revenir en arrière sur les dernières – très bonnes – mesures prises sur la réforme de la formation et l’accompagnement à l’apprentissage. Évitons de détruire quelque chose qui marche. On est arrivé à réembarquer des centaines de milliers de gens sur l’apprentissage. L’apprentissage qui a fait la force de l’Allemagne, l’apprentissage qui réduit l’écart entre le système éducatif et les besoins réels des entreprises. Il ne faut surtout pas reculer.

b/ Baisser le coût du travail. On a près de 800 000 seniors au chômage aujourd’hui. Mettre en place des allégements substantiels de charges permettrait de rendre leur emploi plus attractif pour les entreprises qui trouveraient là une solution à la pénurie actuelle de compétences et à la baisse de productivité. Accessoirement cela permettrait de baisser le coût d’indemnisation du chômage des seniors.

c/ Baisser la fiscalité des entreprises. Remplacer la taxe professionnelle par la CVAE est un abus. Il faut mettre les charges au bon endroit. Lier la fiscalité au profit, d’accord. Mais la C3S et la CVAE sont des impôts payables avant même de générer le moindre profit.
C’est aberrant.

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