Parole d’entrepreneur

février 2020

Olivier PONCIN – CATANA Group

Olivier Poncin est diplômé de SUPAERO et d’HEC, industriel et entrepreneur depuis plus de 35 ans. Après plus de 20 ans d’expérience, de la distribution à la direction d’un des plus grands chantiers mondiaux, il fonde le groupe Poncin Yachts en 2001 qui devient CATANA Group en 2014 à l’occasion du 30e anniversaire de la marque de catamarans «CATANA». L’entreprise produit deux gammes homogènes et complètes du 40 au 70 pieds, Voile & Motor Yachts et s’impose comme l’un des principaux leaders dans le domaine des multicoques de croisière. Avec ses 4 sites de production et de services à Canet en Roussillon (Languedoc -Roussillon), Marans (Charente-Maritime), Saint Mandrier (Var) et El Haouaria en Tunisie, CATANA Group emploie plus de 800 personnes et réalise un CA supérieur à 100 M€.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

Mes deux grands-parents étaient de grands chefs d’entreprise. Les difficultés de la vie et la guerre n’ont pas permis à la génération qui a suivi de poursuivre leur élan, mais bien que désargenté, j’ai probablement hérité d’eux la passion d’entreprendre en créant des entreprises, ce que j’ai fait toute ma vie.
Passionné de bateaux et élève en 1ere et terminale au lycée… Jean-Baptiste SAY à Paris, j’ai commencé à construire un bateau à 16 ans, dans le grenier des parents d’un ami…
A 22 ans et tout en poursuivant mes études, j’ai créé ma première entreprise avec mon seul capital de 1 500 francs… J’ai eu la chance de pouvoir la revendre 7 ans plus tard pour un bon prix !
A 27 ans, j’ai pu reprendre mon principal fournisseur, KIRIE, une entreprise vendéenne constructeur de bateaux depuis plus de 40 ans, en mal de succession. C’est ma première vraie expérience industrielle. J’y ai doublé l’effectif, triplé le CA en 5 ans et j’y ai appris beaucoup de choses.
En 1988, j’ai eu l’opportunité de racheter DUFOUR, un ex grand chantier Rochelais repris par le Baron Bich à la fin des années 70, quand celui-ci s’était impliqué dans la course de l’America. Ce fleuron de l’industrie française était sur le point de disparaître, mais grâce à la formidable équipe que j’ai pu constituer, l’activité est repartie et en 12 ans, l’effectif est passé de 30 à près de 1 000 personnes et son CA est passé de 3 M€ à 100 M€, pour redevenir le 3e constructeur mondial dans sa catégorie… Une très belle aventure et à nouveau beaucoup d’expériences acquises.
En 2003 le Tribunal de Commerce de Perpignan m’a confié les rênes de CATANA, une entreprise en situation très difficile qui réalisait 30 M€ de CA avec plus de 300 personnes et 15% de pertes… Aujourd’hui nous sommes cotés en bourse et nous réaliserons sur l’exercice en cours, avec 800 personnes, plus de 100 M€ de CA avec une marge opérationnelle de + de 15%.
Je peux dire que mon goût d’entreprendre et ma passion de fédérer et de motiver des équipes ont toujours été, et de loin, mon principal fil conducteur.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Évidemment non ! Mes équipes ont été et sont toujours étroitement liées aux résultats des entreprises que j’ai dirigées.
Avec l’expérience, j’ai appris à mieux déléguer et à associer ma garde rapprochée aux décisions stratégiques du groupe.
Fixer une bonne stratégie et aider ses équipes à être soudées et remplir leurs objectifs est la seule vraie mission du chef d’une entreprise d’une certaine taille. Il faut pour cela montrer l’exemple 366 jours par an, encourager en permanence et savoir récompenser quand les choses vont mieux ou bien.
Si l’on veut pouvoir partager les fardeaux, il faut savoir partager le produit des réussites.
De plus, une entreprise a beaucoup plus de chance de réussir si ceux qui la font fonctionner avec leurs tripes et leur conviction en deviennent associés. C’est le cas dans notre groupe.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Il y a plusieurs types de création de valeurs dans une entreprise, mais toutes ont un dénominateur commun.
Il faut être sérieux pour être honnête avec son environnement, humain avec son personnel, crédible dans ses actions, travailleur car rien ne peut se faire aujourd’hui sans beaucoup de travail, loyal avec ses actionnaires, courageux quand il faut prendre une décision difficile et bien sûr, dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.
Je crois sincèrement qu’un entrepreneur qui respecte ces critères ne peut que créer de la valeur pour son entreprise, même s’il faut être persévérant et très souvent patient en accordant du temps au temps, dans un monde qui change vite et dans lequel il faut constamment se remettre en question.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

Innover
De mon point de vue, dans un monde où la concurrence est exacerbée partout, l’innovation est la clé des réussites aujourd’hui et trop peu d’entreprises innovent suffisamment. C’est ce qui explique la baisse de notre rang dans beaucoup de domaines de l’industrie ou des services.
L’État devrait davantage favoriser les initiatives très innovantes et aider par des incitations adéquates la création par des particuliers de fonds privés qui pourraient aider ceux qui ont besoin d’aides financières ou de conseils pour réussir. Notre retard dans de très nombreux domaines ne pourra se rattraper qu’à cette condition.
Pour ce qui concerne mon groupe, le succès extrêmement rapide de notre nouvelle gamme « BALI » tient principalement aux innovations apportées à ces catamarans.

Augmenter l’écart entre la rémunération du travail des bas salaires et celle de la solidarité nationale
En tant qu’industriel, je crois être bien placé pour bien connaître cette problématique.
Je suis évidemment convaincu de la nécessité qu’il existe des mécanismes forts de solidarité pour ceux qui ont besoin d’aide et heureux de leur existence, mais notre système est déséquilibré, car ceux qui n’ont pas une grande qualification et qui doivent malheureusement se contenter d’un travail moins rémunérateur, sont souvent démotivés quand ils s’aperçoivent que ceux qui ne travaillent pas et qui bénéficient des mécanismes de solidarité nationale vivent souvent aussi bien qu’eux.

Trouver le moyen de redonner aux jeunes le goût et les valeurs du travail
En 35 ans j’ai pu constater la dégradation des valeurs du travail chez les jeunes, dont beaucoup considèrent aujourd’hui qu’ils ont plus de droits que de devoirs dans l’entreprise.
L’absentéisme sans de réelles raisons valables est devenu un problème majeur pour toutes les entreprises de production, mais pas seulement. Il n’est pas rare qu’une PMI ait plus de 10% d’absentéisme…
L’école, la formation professionnelle qu’il faut grandement améliorer pour la rapprocher du modèle allemand ou celui de certains pays d’Europe du Nord qui est largement plus performant, devraient jouer un rôle majeur dans l’indispensable changement à réaliser.

Modifier les droits des syndicats pour éviter les abus que nous vivons trop souvent aujourd’hui
La France vient de vivre un épisode peu glorieux. Un quasi-blocage de certains pans de notre économie du fait de nombreuses entraves aux transports par quelques syndicats, sans parler des coupures d’électricité ou des paralysies de certaines raffineries. L’économie française peut être bloquée par moins de 5% des Français. Je pense que des règles plus strictes devraient être instaurées, par exemple :
– Autoriser la création de syndicats « maison », qui pourraient représenter le personnel au même titre que les actuels syndicats « représentatifs »,
– Ne pas considérer représentatifs dans l’entreprise, les syndicats qui représentent moins de 10% des salariés,
– Interdire les coupures d’électricité ou de gaz qui nuisent gravement aux entreprises qui sont indispensables à notre économie et en sanctionner les auteurs s’ils sont employés d’entreprises publiques, donc soumis à une mission d’intérêt général.

catana

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+