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février 2020

« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)

Système U : Pas fier et trompeur

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Sans doute en vous promenant avez-vous découvert, sans y prêter garde, la dernière campagne de publicité de Système U sur les abribus ou autres supports d’affichages de nos villes.

Accompagné du mal formulé « Nous nous laissons dicter par le cours des saisons pas par celui de la bourse » ou du gentil marxisant « Chez nous les patrons côtoient la brume des champs, pas les nuages des gratte-ciels », voilà quelques slogans opportunistes visant à faire passer le noble métier d’épicier en œuvre de bienfaisance.

La grande distribution alimentaire française est opérée par deux principaux modèles :

1) Les intégrés : groupes Carrefour, Casino (cotés en bourse) ou Auchan (non coté), issus de familles fondatrices des années 60 qui s’organisent autour de plusieurs enseignes et plusieurs formats (hypers-supers-proximité-internet). Comme toute entreprise ces groupes ont des actionnaires qui sont rémunérés par les dividendes et la croissance. Le passé boursier récent a souligné les difficultés stratégiques et financières dans lesquelles ces enseignes devaient se débattre après des années d’augmentation des surfaces commerciales, d’épuisement de leurs formats et de leurs services et de renforcement de la concurrence d’internet.

2) Les « indépendants » comme Leclerc, Intermarché et Système U. Ils fonctionnent de façon décentralisée et peu intégrée, s’agissant en quelque sorte de fédérations de franchisés qui regroupent leur puissance d’achat auprès de leurs fournisseurs, et leurs budgets de communication. Chacun à la tête d’un ou de quelques magasins reste propriétaire chez lui même s’il a bénéficié à la création ou lors de l’agrandissement de ses magasins de financements collectifs. Autrement dit c’est un genre de fédération de capitalistes et non un regroupement d’actionnaires comme dans le cas des intégrés. Indépendants, moins centralisés et plus agiles ils font face eux aussi au vieillissement de leurs entrepreneurs et à la concurrence d’internet, mais savent s’allier aux plus gros pour tenir tête aux fournisseurs et maintenir leurs bénéfices : Intermarché s’est ainsi allié avec Casino et Système U avec Carrefour (2018).

Il est donc assez trompeur de faire croire que système U diffère sensiblement, d’un point de vue de sa nature économique des acteurs intégrés. Quand un affilié U vend son supermarché ou son hypermarché, c’est bien un patron actionnaire qui est rémunéré en millions d’euros pour les risques qu’il a pris et le travail qu’il a réalisé, souvent en famille. Les épiciers ne se mentent pas entre eux et ils n’ont pas besoin de mentir à leurs clients : oui, ils rendent un service qui exige des investissements et du travail dans un environnement à la fois très réglementé et très concurrentiel. Il n’y pas de honte à affirmer qu’un magasin U est une PME qui a aussi besoin d’un patron et de capital ; et que les deux doivent être rémunérés. Sauf à imaginer qu’ils exploitent une rente indue au détriment de fournisseurs étranglés et de clients captifs qu’il faudrait excuser, pourquoi chercher ce « red washing » ? (Faire passer pour désintéressée une entreprise parfaitement capitaliste).

Il est vrai que le développement de la grande distribution française a été la source du financement de l’appareil politique national par la monétisation souvent crapuleuse de permis de construire jusque dans les années 90 et a provoqué la désertification des centres des villes moyennes.

Mais tenter de faire croire aujourd’hui qu’il s’agirait en fait d’entreprises de bienfaisance ne fait qu’ajouter un doute et dessert la cause de l’entrepreneuriat et de la juste récompense de l’effort et du risque. Au regard du niveau d’éducation économique et financière de nos concitoyens, le consommateur n’a pas besoin de cet enfumage.

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