Parole d’entrepreneur

septembre 2022

Pascal RIGO
Patron de La Boulangerie San Francisco, La P’tite Boulangerie, Maison Séguin, et président des associations Big-Ensemble et LearnUp.

www.laboulangeriesf.com

www.laptiteboulangerie.fr

www.maisonseguin.fr

www.bigimpacts.org

www.learnupcenters.org

BOULANGER, ENTREPRENEUR, ET AMBASSADEUR DU BIEN-MANGER.

Pascal Rigo est né à N’Djamena alors que son père diplomate est stationné au Tchad. Dernier de 6 enfants il grandit dans le Médoc dont son père est originaire. Très jeune et déjà passionné par le pain, il met la main à la pâte le week-end chez le boulanger du village. À 8 ans Pascal sait ce qu’il veut faire. Après son bac il travaille en boulangerie et mène des études de sciences éco. Très vite il passe son CAP en candidat libre. Plus tard il a l’opportunité de faire un 3ème cycle en marketing et commerce international.

Il démarre sa carrière avec cette double casquette boulanger/business-school. Les offres pleuvent. C’est d’abord la production aux Grands Moulins de Paris, puis la direction de magasins chez Paul et l’ouverture de boutiques Paul aux Émirats, et le contrôle de gestion chez Groupe Le DuffBrioche Dorée. Pascal apprend et se prépare.

Après ces premières expériences il est prêt à se lancer, mais pas en France. Six mois passés en Californie pendant ses études lui ouvrent les yeux sur le plus grand marché de consommation au monde, et un état d’esprit qu’il apprécie. Ce sera donc les États-Unis. Au royaume du pain de mie, tout est à faire en matière de pain de qualité. Pascal a 30 ans. Il commence aux côtés de Michel Richard, un ancien de chez Lenôtre, qui tient l’une des meilleures tables de Los Angeles. Michel lui propose d’utiliser ses fours à pizza pour produire le pain de tous ses restaurants.
Le Los Angeles times qualifie le pain de Pascal de meilleur pain de Los Angeles. Les commandes affluent. Puis Pascal Rigo ouvre sa première boulangerie à Culver City, un quartier pas très glamour à cette époque, avec un positionnement très clair. Il produit des pains de qualité destinés exclusivement aux grands hôtels et restaurants. En quelques mois les 60 meilleurs que Pascal s’était fixé comme objectifs sont ses clients. Il capitalise sur ce premier succès et il vend en 1994 à California Pizza Kitchen qui vient de s’introduire en bourse.

Fatigué par les kms qu’il couvre dans le tentaculaire L.A. il part s’installer à Petaluma, entre Napa Valley et San Francisco, où il remonte le même business. Gros succès à nouveau. Dans la foulée il crée la première filière de blé bio aux États-Unis avec un moulin partenaire, Central Milling, en Utah. Pascal se diversifie. Il fait de l’intégration verticale. Il rachète la plus ancienne des boulangeries bio aux USA. Il y produit du pain pour les rayons frais de grosses enseignes du type Whole Food, et du précuit bio surgelé. En 1997 il ouvre une première La Boulange dont le San Francisco Chronicle encense les pains au chocolat. C’est la queue pendant deux ans. Tous les jours. Une dizaine d’autres ouvertures suivent rapidement.

Alors que ses activités de boulangerie se développent, Pascal, insatiable, ouvre et rachète une douzaine de restaurants qui marchent eux aussi très bien. En 2008, il décide de se recentrer sur la boulangerie et les revend tous. Juste avant la crise des subprimes. Instinct ? Chance ? Recentrée sur La Boulange et l’industriel, sa société pèse en 2010 70 millions $ de CA avec 1500 personnes et 25 boulangeries.

En 2012 Starbucks acquiert son groupe pour 100 millions $. Au cours des quatre années suivantes Pascal conduit, en tant que responsable Food, la transformation de la gamme de produits alimentaires Starbucks. Il réinvente toute la chaîne : ingrédients, achats, fabrication, supply chain… en appliquant ses recettes et son expérience de la production industrielle du « bien-manger ». Alors qu’après 40 ans Starbucks réalise un hiffre d’affaires annuel « food » de 1,2 milliard $, Pascal et ses équipes parviennent à tripler les ventes en moins de trois ans en proposant des produits sains, sans conservateurs, ni additifs ou colorants. Un impact immédiat sur les 75 millions de transactions réalisées dans les boutiques toutes les semaines.
Pascal quitte Starbucks en 2016 et reprend certaines des Boulange – revendues entre temps par Starbucks – qu’il transforme en La Boulangerie San Francisco. Toujours avec le même succès.

Il lance en même temps La P’tite Boulangerie en France avec son associé Arnaud Chevalier. Un nouveau concept de petite boulangerie bio d’une trentaine de m2 en centre-ville où le pain est produit sous les yeux des clients. L’artisan-boulanger en charge de sa P’tite Boulangerie est financé, accompagné et progressivement associé au capital de son affaire. Le but est toujours le même : faire en sorte que les gens mangent bien. Et en même temps permettre à des artisans boulangers de devenir de vrais entrepreneurs. Pascal Rigo vient aussi de reprendre Maison Seguin, bien connue pour ses puits d’amour.

Il est aussi très engagé dans la vie associative. D’abord avec LearnUp, aux côtés de son épouse Virginie, pour promouvoir l’apprentissage de la lecture. Et plus récemment à Bordeaux avec Big-Ensemble qui se concentre sur des projets d’accélération de la transition et de la transformation. Par exemple, avec Big-Nature sur le sujet de la transition agricole et de l’agroforesterie. Toujours avec cette même vision du mieux produire, mieux consommer, mieux manger, mieux vivre, ensemble.

Les différentes activités de Pascal Rigo réalisent aujourd’hui un chiffre d’affaires de 50 millions avec 600 collaborateurs répartis sur une quinzaine de sites industriels et boutiques.
Finalement, Pascal et son père ont un point commun : la diplomatie. Pascal est depuis de nombreuses années un ambassadeur reconnu du bien manger aux États-Unis mais aussi aujourd’hui dans son propre pays, la France.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

Je ne me suis jamais dit que j’étais un entrepreneur dans l’âme. C’est venu naturellement. Petit déjà je bossais sur des designs de logo, de produits du futur. Quand j’ai pris conscience de mon intérêt pour la boulangerie, j’ai conçu de nouveaux concepts. J’ai toujours travaillé sur des projets. Des projets que je réaliserai un jour…
Et en même temps je n’étais ni obsédé, ni pressé d’avoir ma propre entreprise. En me disant que ça arriverait au bon moment et surtout dans de bonnes conditions. D’abord parce que j’avais peu de moyens et ensuite parce que lorsqu’on monte une boîte on a une responsabilité à l’égard des gens avec que l’on fait travailler. Il fallait que ça tienne la route.
J’étais un audacieux… raisonné.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Le chef d’entreprise, en particulier dans la phase initiale de création et de développement, doit se donner à fond et apposer clairement sa marque, essuyer lui-même les premiers revers pour comprendre, façonner son entreprise à son image, avant de s’entourer d’autres entrepreneurs. Il doit aller vite, éviter les tiraillements et les pertes de temps inutiles, les divergences sur la vision.
Lorsqu’on crée une entreprise, on s’est préparé et on sait ce qu’on veut. On a surtout besoin de pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs solides qui vont bien exécuter le plan. Lorsque l’entreprise grossit, on voit parfois des entrepreneurs s’entourer d’autres entrepreneurs capables d’entreprendre ou « d’intraprendre », qui apportent des compétences complémentaires et qui challengent le créateur. Quand Howard Schultz m’a proposé de rejoindre Starbucks c’est parce qu’il avait besoin d’un entrepreneur au sein de son entreprise pour bouleverser les habitudes, se réinventer, avec des méthodes d’entrepreneur à l’intérieur de la boîte.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Beaucoup d’entrepreneurs ont évolué sur leur vision de la création de valeur ces dernières années. Personnellement j’ai toujours cherché à développer dans mes entreprises à la fois une valeur financière pour moi et pour mes salariés, et les valeurs de mon éducation, comme l’empathie, par exemple. Pour moi l’objectif a toujours été de fabriquer et de vendre des produits de bonne qualité au plus grand nombre, en étant attentif à la création de valeur tout au long de la chaîne. En veillant à ce que l’agriculteur gagne bien sa vie, en vendant de bons produits, bons pour la santé des gens, à un prix raisonnable. Ce qui est devenu aujourd’hui le credo de toute entreprise responsable. Je suis persuadé qu’on ne peut plus dissocier profit et impact. Il y a une grosse attente des gens sur ces sujets aujourd’hui. L’entreprise doit être sociale et solidaire. Elle doit prendre en compte le monde fini dans lequel on vit, les ressources dont on dispose, et les attentes fondamentales des consommateurs.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Fusionner le ministère de l’économie sociale et solidaire et le ministère de l’économie et des finances en un Ministère des finances de l’économie sociale et solidaire.
Reconnaître ainsi que l’économie ne pourra être que sociale et solidaire. Et ainsi donner aux entreprises françaises d’aujourd’hui les moyens de devenir les premières entreprises de demain.

b/ Mettre en place une fiscalité unique dans tous les pays européens pour garantir le paiement de l’impôt qui permet de financer les politiques publiques nécessaires. Instaurer un système de pourcentage unique applicable à tous les revenus et mettre fin à la progressivité de l’impôt qui étouffe l’initiative. Un système plus simple, transparent, juste,
et plus motivant.

c/ Mobiliser l’ensemble des ressources de la nation sur de grands projets pluriannuels spécifiques -par exemple la transition agricole – de manière à apporter des réponses efficaces et rapides aux problématiques auxquelles nous devons faire face. Une sorte de plan Marshall, de plan d’action national qui réunit ressources, savoir-faire et énergies pour faire le nécessaire sur les grandes problématiques de notre pays.

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