Analyse économique

octobre 2014

Peut-on parler de rigueur budgétaire en France ?

Si l’austérité consiste à réduire fortement le déficit par tous les moyens, on ne peut certainement pas dire que ce genre de politique soit mené en France. Si par rigueur budgétaire, on entend une politique de réduction de la dépense publique, elle n’a pour l’instant pas eu lieu, le niveau de celle-ci s’étant simplement stabilisé. La France reste toujours le deuxième pays de l’Union Européenne après la Finlande par le poids de la dépense (55,6% du PIB potentiel). Tout en se distinguant par un traitement particulièrement rigoureux de ses contribuables…

Rigueur ou austérité?

Que l’on considère la première comme la panacée ou la seconde comme la source de tous les maux, les deux termes ont une charge émotionnelle que les acteurs de la vie politique française aiment à convoquer. Le mot de rigueur renvoie à l’idée d’une saine gestion, sans dépenses excessives, mais ne parle-t-on pas également d’un hiver rigoureux ? Aux dires de Jean-Marc Ayrault, il y aurait même une bonne et une mauvaise rigueur. Avec l’austérité, l’ambivalence disparaît et le Père la Rigueur se transforme en Père Fouettard . L’ascèse destinée à gagner le salut budgétaire n’est pas bien loin….Bref si la rigueur inquiète un peu, l’austérité fait franchement peur.

Derrière les louanges ou les imprécations, il y a une réalité : celle des chiffres. Nous proposons de la présenter ici, afin de faire le point sur l’évolution des soldes budgétaires en France par rapport aux autres pays européens.

Dans les tableaux suivants, nous comparons ainsi l’évolution en France à la moyenne de l’Union Européenne, à l’Allemagne, aux pays périphériques hors Grèce ainsi qu’au Royaume-Uni, qui a également mis en œuvre un plan de réduction des déficits. Pour mieux faire ressortir les tendances, nous avons pris la moyenne sur deux ans des périodes suivantes: 2003-2004, 2006-2007, 2009-2010 et 2013-2014. Nous soulignons en vert les variations qui soutiennent la croissance et en rouge celles qui la pénalisent.

Dépenses structurelles des administrations publiques
en pourcentage du PIB potentiel
2003-2004 Variation 2006-2007 Variation 2009-10 Variation 2013-14
France 51,5 0,5 52,0 0,9 53,0 – 0,0 52,9
Allemagne 43,8 – 1,6 42,2 1,0 43,2 – 1,2 42,0
Italie 43,5 0,9 44,4 0,8 45,2 – 1,9 43,3
Espagne 36,9 1,6 38,5 3,7 42,2 – 5,1 37,1
Portugal 42,2 – 0,0 42,2 3,3 45,5 – 4,4 41,1
Irlande 32,1 4,3 36,3 4,6 40,9 – 4,5 36,5
Royaume-Uni 40,5 1,9 42,3 3,3 45,7 – 3,1 42,5
Union européenne 43,9 0,4 44,4 1,9 46,2 – 1,8 44,4
Source: Commission Européenne
Recettes structurelles des administrations publiques
en pourcentage du PIB potentiel
2003-2004 Variation 2006-2007 Variation 2009-10 Variation 2013-14
France 49,5 0,7 50,2 – 0,9 49,3 3,3 52,6
Allemagne 43,7 0,1 43,8 0,5 44,3 0,3 44,6
Italie 42,9 2,2 45,2 0,6 45,8 1,8 47,7
Espagne 38,4 2,5 40,9 – 4,7 36,2 1,7 37,9
Portugal 39,0 1,9 40,9 – 1,1 39,8 2,9 42,7
Irlande 34,4 2,7 37,1 – 3,1 34,1 1,7 35,8
Royaume-Uni 38,8 1,9 40,6 – 0,9 39,7 1,1 40,8
Union européenne 43,6 1,0 44,6 – 0,6 44,0 1,4 45,4
Source: Commission Européenne

Outre le niveau très élevé des dépenses publiques (et donc des prélèvements obligatoires) par rapport aux autres pays, on remarque que la France a expérimenté depuis 2009-2010 une consolidation budgétaire (variation des dépenses – variation des recettes) de la même ampleur que dans l’ensemble de l’Union Européenne (3,3% du PIB potentiel contre 3,2%). Mais très inférieure à celle effectuée en Espagne, au Portugal, en Irlande et au Royaume-Uni…

Le deuxième élément , sans doute le plus remarquable, est qu’à l’inverse de ce qui s’est fait dans le reste de la zone euro, la totalité de l’effort de réduction du déficit structurel a porté sur l’augmentation des recettes budgétaires.

Part des augmentations de recettes dans l’effort structurel
France 100%
Allemagne 19%
Italie 49%
Espagne 25%
Portugal 40%
Irlande 28%
Royaume-Uni 26%
Union Européenne 45%
Source: Commission Européenne

FRANCE: PRODUIT INTÉRIEUR BRUT
( base 100 en 2000 )

graphique_pib
Comme le montre le graphique ci-dessus, cette stabilité de la dépense publique a certes permis de compenser une contraction de la demande privée. A moins que ce ne soit le recours exclusif aux augmentations de recettes qui soit à  l’origine de la déprime de cette dernière ?

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+