Analyse économique

février 2023

Pourquoi les concerts coûtent-ils si chers ?

L’auteur de ces lignes a assisté à différents concerts sur les derniers mois qui lui ont donné l’occasion de réfléchir aux prix de ceux-ci. En effet, la presse publie à intervalle régulier des articles constatant la forte augmentation du prix des concerts, au risque parfois de mettre ces évènements hors d’atteinte pour une partie de la population. Alors à qui la faute ? Des artistes trop gourmands ? Des producteurs rapaces ?

Le premier réflexe de l’économiste est toujours d’aller vérifier si les données confirment ou infirment ce jugement. Si l’on prend l’indice des prix de la catégorie spectacles dans les données d’inflation française, on peut voir que ces prix ont effectivement progressé bien plus vite que le reste des prix jusqu’au COVID. Depuis lors, sans doute sous l’effet de la moindre fréquentation des salles dans un contexte sanitaire compliqué et de la flambée des autres prix, la tendance est perturbée, mais sa régularité dans le passé plaide pour un retour prochain à la progression normale.

France : indice des prix, base 100 en 1990

Entre 1990 et 2019, les prix des spectacles progressaient tous les ans en moyenne de 2,4% contre une hausse des prix hors alimentation et énergie de 1,4%, soit une progression cumulée de +102% contre +51%.

Les données confirment donc cette tendance à la progression plus rapide des prix des spectacles au sens large. En réalité, cette tendance s’explique par un mécanisme connu depuis bien longtemps des économistes sous le nom d’effet Baumol, du nom de l’économiste qui l’a mis en évidence. C’est d’ailleurs à la suite d’une enquête sur le monde du spectacle que William Baumol a mis en évidence cet effet dans les années 60.

Au cœur de ce mécanisme se trouve la question de la productivité. On sait que la productivité est le principal moteur du développement économique. Or, pour exécuter un quatuor à cordes de Beethoven, il faut depuis deux cents ans quatre musiciens qui y consacrent à peu près la même durée. Autrement dit, pour cette activité, la croissance de la productivité a été nulle sur deux siècles…

La logique de Baumol consiste donc à diviser l’économie entre un secteur à faible croissance de la productivité et un secteur à forte croissance de la productivité. La forte croissance de la productivité permet une forte croissance des salaires dans ce deuxième secteur. Mais en réalité, pour plusieurs raisons, les salaires progressent à peu près dans des proportions similaires dans les différents secteurs de l’économie.

Pour les secteurs à forte croissance de la productivité, cette dernière permet d’absorber la progression des salaires et limite donc la hausse des prix de vente. En revanche, dans les secteurs à faible croissance de la productivité, il est nécessaire de répercuter pleinement la hausse des salaires dans les prix de vente. Ceci génère donc une hausse des prix supérieure au reste de l’économie ou, si les conditions ne le permettent pas, une dégradation de la rentabilité de ces activités. Au risque parfois de mettre en péril l’exercice de cette activité. C’est pourquoi l’effet Baumol est également appelé maladie des coûts…

Voilà donc pourquoi les prix des spectacles progressent plus vite que ceux du reste de l’économie mais cet effet Baumol produit ses conséquences bien au-delà du secteur du spectacle. En effet, d’importantes différences de croissance de productivité existent entre les différents secteurs de l’économie et les économistes continuent d’évaluer ses effets sur la répartition sectorielle de l’activité économique, sur la croissance globale de la productivité ou encore sur les coûts de l’éducation et de la santé. Les secteurs à faible gains de productivité voient donc leur poids nominal naturellement augmenter dans l’économie. D’où l’impérieuse nécessité de s’assurer de leur utilité et de leur bon financement.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInShare on Google+