Parole d’entrepreneur

décembre 2018

Richard STRUL
Fondateur de Résonéo

richard_strul

Ingénieur de formation, Richard STRUL a passé 15 ans dans le marketing de l’information financière avant de plonger dès 1992 dans le Web. Il participe successivement à la création de deux start-ups dans les arts graphiques et le e-learning avant de monter à bord de Zebank, le premier portail bancaire en ligne financé par le groupe LVMH. Il pilotera ensuite le lancement sur Internet de EGG en France, avant de créer en 2004 le cabinet RESONEO, dédié au marketing digital et en particulier aux moteurs de recherche et aux réseaux sociaux, qui regroupe aujourd’hui une centaine de spécialistes du SEO (Search Engine Optimization, optimisation des moteurs de recherche), de l’acquisition de trafic et de l’e-reputation.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

J’ai hérité de cette fibre, car mon père était entrepreneur lui-même. En même temps l’expérience de mon père a été mon plus grand frein, car son histoire a mal tourné, au point de me retrouver très jeune soutien de famille.
Je n’étais donc pas rassuré à l’idée de reproduire le même schéma. Cette crainte était ancrée dans mon inconscient.

Mes premières incursions dans l’entrepreneuriat, au tout début du web, ont donc été prudentes. C’est après plusieurs postes de direction « au chaud » en entreprise, que j’ai monté Résonéo, un peu par hasard. Un nouveau poste de DG me passe sous le nez et m’oblige à me lancer dans le consulting. La vision et l’histoire que je racontais à mes clients rencontraient un écho favorable. Après un premier mois à 200 K de CA, je me suis dit que ça valait la peine d’en faire une entreprise. Et parce que ça a fonctionné tout de suite et qu’on a gagné de l’argent tout de suite, je n’ai pas eu le temps de me faire peur en regardant le vide avant le grand saut, ni de penser aux antécédents familiaux.

2)Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Je suis intimement convaincu que non. Je pense que les sociétés sont avant tout des sociétés de personnes, avant d’être des entreprises. Ce qui m’intéresse c’est la dimension groupe social. Pour moi entreprendre c’est être capable d’embarquer des gens sur une construction collective.

Quand je fais de la musique, je le fais avec d’autres gens en cherchant à combiner la contribution de chacun pour un résultat collectif de quelque chose d’agréable à entendre.
Alors on n’embauche pas que des entrepreneurs, mais je suis convaincu qu’on ne réussit pas tout seul et ce qui est intéressant c’est la création collective.

J’attends des gens qui m’entourent qu’ils prennent leurs responsabilités, qu’ils s’auto-motivent dans la conduite des projets qu’on leur confie. Un bon équilibre entre contrôle et confiance permet de développer une mentalité entrepreneuriale dans l’entreprise. En favorisant la prise d’initiative des collaborateurs on produit de meilleurs résultats. C’est aussi un mode de fonctionnement très productif en matière de R&D. Finalement mon rôle consiste à donner une direction, des moyens, et de l’envie.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur c’est cette création d’intelligence collective, c’est associer des individualités dans la production d’une création commune.
Surtout dans un métier comme le nôtre de prestation intellectuelle qui par définition ne peut pas bénéficier d’effet de levier.

L’accumulation d’expérience et la qualité méthodologique fabriquent de la valeur pour l’entreprise et pour chaque collaborateur. C’est le corpus partagé.
Nous créons aussi de la valeur en adoptant une organisation plate et productive, tournée vers les projets clients, ce qui réduit les réunions et les reportings inutiles comme on les connaît dans les grands groupes. Ce temps et cette énergie, habituellement perdus, on les récupère dans l’organisation et à la fabrication de cette valeur collective.

La dimension financière de la création de valeur pour moi n’est que le résultat d’un travail bien fait répondant à un besoin sur le marché, et pas l’inverse. Notre expérience semble nous donner raison. C’est une vision qui nous permet de créer une valeur durable avec nos clients et une croissance plus régulière que certains de nos concurrents.

4) Quelles sont les trois mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?

a. Simplifier les formalités
Les gens qui nous dirigent pourraient quand même nous simplifier un peu la vie… Leur histoire de « choc de simplification » m’a toujours fait mourir de rire. Quand je vois la complexité à laquelle mon DAF est confronté en permanence dans une société de 100 personnes, ça donne envie de hurler. Nous avons aujourd’hui les moyens de faire face à cette complexité, mais quand on pense à des PME plus petites c’est tout simplement ingérable pour elles. Une fois de plus, avec le prélèvement des impôts à la source, on ajoute de la complexité dans l’administration des sociétés.
Le paradoxe c’est qu’en même temps on bénéficie en France d’un système d’accompagnement à la création unique au monde. Il a des qualités. Mais avec une simplification des formalités on pourrait faire de gros gains.

b. Proposer des règles adaptées
Il faudrait revenir sur ces histoires de comité d’entreprise, de délégations de personnel, et autres obligations liées à des tailles et des seuils. On a introduit des complexités qui n’ont pas lieu d’être.
Alors que 90% des embauches en France sont faites par des PME-TPE, ce sont les grands groupes au travers du MEDEF qui sont les partenaires sociaux privilégiés pour négocier les règles applicables qui étouffent des structures plus petites.

Nous sommes soumis au même formalisme qu’un groupe de 25000 personnes.
On a donc 85% des gens en France qui doivent travailler avec un outil qui n’est pas fait pour eux. Et c’est le fait de choix politiques qui peuvent être infléchis.

c. Faire plus pour favoriser l’entrepreneuriat en début et en fin de carrière
Inverser la dynamique négativiste portée par les médias en mal d’audience permettrait de générer plus de vocations et participerait au sentiment général qu’il est possible de faire des choses. Que l’initiative n’est pas forcément vouée à l’échec.

Résonéo est le premier partenaire de Origamee, une nouvelle initiative à laquelle nous contribuons financièrement, qui sélectionne des jeunes formés, mais sans réseau, leur apprend les métiers du digital en partenariat avec des entreprises et accompagne leur décollage.

On entend beaucoup parler des plans banlieues et de toutes sortes d’initiatives publiques dont on ne connaît finalement pas trop les résultats. Avec des initiatives comme celle d’Origamee on sait exactement où on va et quels sont les résultats.

Je suis convaincu par ailleurs que l’on doit favoriser l’entrepreneuriat des « séniors ».
Aujourd’hui on sort du marché du travail plus tôt alors que l’espérance de vie augmente.
On a donc de plus en plus de gens disponibles qui peuvent s’engager dans une nouvelle économie associative qui n’est pas suffisamment accompagnée ni encouragée. Il y a beaucoup de possibilités d’entrepreneuriat social qui si elles étaient plus favorisées répondraient à de vrais besoins sociétaux.

Cela permettrait de reconvertir l’énergie, les compétences et l’envie, redonner un sens à un nombre grandissant de gens sortis du système traditionnel, et contribuer à une dynamique plus positive, constructive et optimiste plutôt que de grossir les rangs des chômeurs de longue durée et de plomber l’atmosphère générale.

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