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juin 2019

« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)

Cour des Comptes : les mauvais comptes de la France

Chaque mois de Mai, la Cour des comptes publie son rapport sur le budget de l’État de l’année précédente. Alors que le projet de loi de finances qui est discuté au Parlement tout l’automne donne lieu à de multiples arbitrages ministériels, à des interventions nombreuses de Bercy et à une couverture médiatique très large, ce Rapport de la Cour des Comptes n’est pas repris par les médias. Il témoigne pourtant de la réalité de cette fameuse loi de finance et de la façon dont nos dirigeants gèrent l’argent de la collectivité nationale.

Il n’est pas inutile d’en rendre la substance aux lecteurs de la Décade, car une fois de plus en 2018 comme les années qui l’ont précédées depuis 40 ans, nos finances publiques témoignent de notre intoxication à la dépense publique, aux déficits et finalement à la dette.
Les chiffres finissent par être connus, mais leur ampleur semble les contenir à des données arithmétiques qui n’ont pas de réalité pour les citoyens et contribuables. Rappelons-les simplement :

Des dépenses totales de l’État de 425 milliards d’euros, pour des recettes de 349 milliards.
Soit un déficit représentant 22% des recettes, de 76 milliards.
Une augmentation consécutive de la dette financière de 70 milliards à 1 781 milliards d’euros.

Il faut transposer ces proportions au budget d’un ménage ou au chiffre d’affaires d’une entreprise pour en comprendre le gigantisme : les dépenses courantes dépassent de plus d’un cinquième les recettes ; comme si pour un salaire de 100, les individus pouvaient durablement consommer 122. Ils pourraient peut-être le faire une année, en empruntant, mais seraient contraints de s’ajuster l’année suivante car très vite ils ne trouveraient pas de créanciers prêts à financer une telle cigale !

L’État, lui, le peut car il semble pour ses créanciers disposer d’une ressource inépuisable que sont les contribuables, jusqu’au moment où le consentement à l’impôt disparait et où la confiance des créanciers s’envole. Ce moment, nul n’en est vraiment maître comme l’a montré la crise grecque de 2011.

Il est intéressant pour comprendre ce moment de mesurer l’effet cumulé de ces politiques de déficits sur le patrimoine de l’État. La confiance disparaît souvent quand la perception de l’insolvabilité (incapacité à payer les intérêts et les termes échus de la dette) se fait trop forte chez les créanciers. Et la solvabilité repose certes sur la capacité à lever de l’impôt (solidité économique et consentement) mais aussi sur les éléments patrimoniaux : un agent économique porte des dettes mais en face il détient aussi des actifs. C’est pour cela que les bilans des entreprises sont toujours équilibrés entre les actifs (ce qu’elles détiennent) et les passifs (ce qu’elles doivent).

L’intérêt du rapport annuel de la Cour sur les comptes de l’État est de présenter une forme de bilan, qui met en face de ses actifs ses passifs. N’importe quel comptable honnête doit être effrayé :

L’actif de l’État (ce qu’il détient) s’élève à 1052 milliards, principalement en immobilisations corporelles (terrains, constructions, matériel militaire, immobilisations mises en concession…pour 500 milliards) et financières (350 milliards) qui se répartissent principalement en participations contrôlées, comme EDF ou SNCF, et participations non contrôlées comme Renault ou Air France.

Le passif de l’État s’élève, lui, à plus du double, soit 2 350 milliards ! La part du lion revenant aux dettes financières (1 780 milliards), le solde étant représenté par des dettes non financières (qui ne portent pas intérêt) et des provisions pour risque et charges. C’est cette dette financière qui a augmenté de 70 milliards, soit +4% en 2018. C’est cette dette qui génère 40 milliards d’intérêts à payer à nos créanciers (dont 60% sont des étrangers), soit plus de 11% des recettes de l’État. Aucun agent économique autre que l’État ne peut tenir une situation financière aussi dégradée.

Et c’est sans compter ce que l’on appelle les engagements « hors bilan », qui viendraient augmenter le passif de l’État de plus de 4 200 milliards si on les comptabilisait, comme le droit comptable privé le fait de plus en plus avec les entreprises. Les engagements de retraites liés aux régimes spéciaux représentent à eux seuls presque 400 milliards (SNCF 173, RATP 102 milliards) ; les aides aux logements et aux handicapés représentent des engagements de 250 milliards et les engagements de retraites civiles et militaires représentant 2 000 milliards…

Voilà pourquoi, la dépense publique doit baisser, les déficits disparaître et la dette se réduire. À défaut, le moment viendra où nos créanciers perdront confiance, notamment parce que ce que détient l’État est beaucoup trop faible par rapport à ce qu’il doit.

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