Il nous l'avait bien dit

juin 2019

« Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte »

traitePour faire écho au rapport de La Cour des Comptes sur le budget de l’État en 2018 (lire notre 0/10), il semble opportun de rappeler ce que Say écrivait déjà en 1826 au sujet des excès de l’impôt et de la dépense publique.

« La jouissance ravie au contribuable est remplacée par celle des familles qui font leur profit de l’impôt ; mais outre que c’est une injustice que de ravir au producteur les fruits de sa production, lorsqu’on ne lui donne rien en retour, c’est une distribution de la richesse produite bien moins favorable à sa multiplication, que lorsque le producteur peut l’appliquer lui-même à ses propres consommations : on est plus excité à développer ses forces et ses moyens lorsqu’on doit en recueillir le fruit que lorsqu’on travaille pour autrui.

Les valeurs levées sur les contribuables sont en général dépensées de manière improductive. Et les dépenses improductives du gouvernement, bien loin d’être favorables à la production lui sont prodigieusement préjudiciables. Les impôts sont une addition aux frais de production; ils ont un effet opposé aux progrès de l’industrie qui favorisent à la fois la production et la consommation. L’impôt, en élevant les prix des produits, réduit la consommation qu’on peut en faire, et par conséquent la demande des consommateurs.

Si l’impôt produit parfois un bien par son emploi, il est toujours un mal quant à sa levée. Les raisonnements employés pour justifier les gros impôts sont des paradoxes modernes dont les agents du fisc se sont accommodés volontiers, mais qu’un certain bon sens naturel et les meilleurs princes ont toujours repoussés. Ceux-ci ont toujours recherché à réduire les dépenses de l’État. Les princes faibles ou pervers les ont tous les temps augmenté. Ils s’entourent de préférence de conseillers intéressés à leur prodigalité. Il en est qui prouvent, par des chiffres, que les peuples ne sont point chargés et qu’ils peuvent payer des contributions fort supérieures à celles qui leur sont imposées. D’autres apportent des plans de finance, et proposent des moyens de remplir les coffres sans charger les sujets. Mais un tel plan de finance ne peut donner au gouvernement que ce qu’il ôte au particulier, ou ce qu’il ôte au gouvernement lui-même sous une autre forme. On ne fait jamais d’un coup de baguette quelque chose de rien. De quelque déguisement qu’on enveloppe une opération, quelques détours qu’on fasse prendre aux valeurs, quelques métamorphoses qu’on leur fasse subir, on n’a une valeur qu’en la créant ou en la prenant. Le meilleur des plans de finance est de dépenser peu et le meilleur de tous les impôts est le plus petit.

Un impôt ne rend jamais au fisc en proportion de l’extension qu’on lui donne; d’où est né cet adage dans l’administration des finances, que deux et deux ne font pas quatre. Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. Par une raison contraire, une diminution d’impôt, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir aux gouvernements ce qu’ils gagnent à être modérés. »

Traité d ’économie politique chapitre IX – 1826
Publié dans la Décade de mai 2015.

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