Il nous l'avait bien dit

décembre 2020

Le bon jugement.
Le bon gouvernement.

Il est vrai que gouverner est difficile : entre « gouverner c’est prévoir » (Thiers ou Girardin), « gouverner c’est choisir » (Pierre Mendès-France), « gouverner c’est contraindre » (Pompidou), « gouverner c’est mécontenter » (Anatole France) et « gouverner c’est mentir » (Giono) il n’est pas évident de se livrer à cette tâche en espérant y trouver de la gratitude. Pourtant beaucoup de gouvernants passent beaucoup de temps à honorer leurs prédécesseurs, sans doute pour reconnaître la supériorité du jugement de la postérité sur l’ingratitude du moment où le pouvoir est exercé. Le sort de Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020) est un bon exemple de l’ingratitude des gouvernés qui sera sans doute corrigée par ce fameux « jugement de l’histoire ». Et Jean-Baptiste Say pose bien ci-dessous les termes du sujet : pour bénéficier de la clémence ou de la reconnaissance de celle-ci, la première condition est d’avoir soi-même un bon jugement. Plaidoyer pour le bon gouvernement évalué aux résultats obtenus et non sur des artifices ou des illusions.

« À mesure que l’intelligence grandit, les considérations relatives aux personnes prises individuellement, frappent moins et les généralités davantage. Chaque personne est un être réel qui frappe les sens ; tandis qu’une nation est un être de raison dont les maux, les besoins, l’opinion ne frappent que l’esprit.

Nous serons tous jugés par la postérité, et quand les nations se tirent de la barbarie, la postérité est très proche : les hommes qui nous succéderont immédiatement, commenceront à instruire notre procès. Ceux d’entre nous qui ont joui d’une grande influence en qualité de rois, d’hommes en crédit, de millionnaires, d’écrivains distingués, seront jugés individuellement.

Une ville, une nation seront jugées aussi sur la conduite qu’elles auront tenue en telle ou telle occasion. Les circonstances, les opinions, les faits que nous ne voyons qu’imparfaitement, que nous jugeons sur des rapports incomplets, infidèles, à travers nos préventions, seront jugés aussi bien que les hommes. On ne sera plus partagé sur ce qui nous partage. Tous les arrêts seront sévères : quel motif aurait-on de nous ménager ! Mais ils seront équitables ; car les hommes à venir se trouveront désintéressés dans nos affaires. Ils auront notre instruction et la leur par-dessus. Ils seront plus âgés et plus expérimentés que nous qui le sommes plus que nos ancêtres. Enfin, la postérité aura l’immense avantage de juger de ce que nous faisons, par les résultats obtenus. Aussi l’homme qui prévoit le mieux l’issue de chaque affaire, juge-t-il comme la postérité. »

Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société (1818)

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