Parole d’entrepreneur

janvier 2022

Patrick Nicolle
Cofondateur de Bartle

www.bartle.fr

L’humain, d’abord.

Rien n’indique dans le parcours de Patrick Nicolle qu’il choisirait un jour de créer son entreprise. Un Bac C à Nantes, puis le choix de l’ESSCA (École Supérieure des Sciences commerciales d’Angers), et enfin un master of science en international banking & financial studies à Édinbourg le conduisent logiquement vers l’audit.

Deux alternances chez EY, puis direction Carrefour, d’abord en VSN en Grèce, puis à Paris. Alors que le métier du conseil est en plein boom, il est chassé par KPMG Consulting et fait partie d’une spin off vers Unilog Management lors du big bang post Enron.

Et premières interrogations dans cette trajectoire limpide : le team fraîchement acquis par Unilog doit se recentrer sur le conseil dans les systèmes d’informations. Un univers éloigné de son cœur de métier d’origine pour Patrick qui décide alors de sauter le pas et à 29 ans, lance Bartle un cabinet de conseil en organisation et conduite du changement, avec son ami Max-Hervé Dujardin rencontré chez KPMG Consulting.

Patrick avoue qu’il n’a été sensibilisé à l’entrepreneuriat que tardivement. Il se retrouve plus facilement avec son père dentiste sur la découverte de nouveaux crus que sur le sujet de l’entreprise. Sa mère pharmacienne et ses sœurs DRH d’un hôpital parisien et responsable des achats dans un établissement public n’ont probablement pas eu d’influence non plus sur ses choix professionnels.

Mais voilà. Bien qu’adepte des sports individuels, Patrick aime jouer collectif ! Dans sa vie privée entouré de sa femme et de ses 4 enfants.
Et dans sa vie professionnelle où la dimension humaine et le partage donnent autant de sens à son action.

15 ans après sa création, Bartle « le cabinet de conseil entreprenant, apprenant et innovant » et indépendant, réalise un CA de 24 M€ avec plus de 150 collaborateurs dans 5 bureaux, 4 en France (Paris principalement, Lille, Rennes, Montpellier) et 1 à Bruxelles, et une centaine de clients. Avec une croissance annuelle de +40% en 2019/2020, Bartle est 223e dans le classement 2021 du Top 500 Les Échos des champions de la croissance en France.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

C’est d’abord l’opportunité qui s’est présentée. Je ne me sentais plus aligné avec la culture de l’entreprise dans laquelle je travaillais. Au même moment le client avec lequel je travaillais m’assurait de son soutien quel que soit le choix que je pourrais faire. Et puis c’est l’aventure humaine et collective qui m’a convaincu. Je n’aurais jamais monté une boîte seul, et encore moins dans le conseil.

Quand à 29 ans j’annonce que je monte ma boîte de conseil on me prend pour un extraterrestre. Il s’agissait aussi de développer avec Max-Hervé un projet avec des objectifs clairs : un premier salarié dans les 6 mois, puis un deuxième avant la fin de l’année, ne pas opérer en mode freelance, construire dès le départ une culture fondée sur le collectif et l’humain. Max-Hervé avait déjà connu des expériences entrepreneuriales et avait une vision bien claire. Bien que tout juste trentenaires et donc moins crédibles que des professionnels plus expérimentés nous nous sommes lancés en positionnant notre offre comme un service du type Chief of Staff Directeur de Cabinet au service de nos clients.

Mener un collectif, être dans le partage et l’humain, et le faire à deux, m’ont vraiment décidé à me lancer dans la création de Bartle.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Je considère qu’il est de notre responsabilité de favoriser au sein de l’entreprise les conditions d’entreprendre. De permettre à chacun individuellement ou en équipe d’entreprendre au quotidien. Les meilleures initiatives ont souvent été prises par des collaborateurs que nous accompagnons dans une logique de test-and-learn. Bien sûr en tant qu’entrepreneurs nous prenons des risques tous les jours et nous sommes jugés sur les choix que nous faisons. Celui par exemple de soutenir les initiatives de nos collaborateurs salariés. Mais nous développons avant tout des valeurs de responsabilité et d’autonomie en réunissant les moyens et les conditions d’entreprendre pour nos collaborateurs. C’est cette culture qui nous permet aujourd’hui d’être entourés de gens intelligent, audacieux et épanouis.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Nous sommes jugés à l’aune de la valeur financière que nous créons. Et en même temps ramener la création de valeur à sa simple dimension financière est très réducteur. Nous croyons beaucoup à la responsabilité sociale de l’entreprise, et donc de l’entrepreneur. Nous sommes certifiés B-Corp. Il est essentiel pour nous de créer les conditions de l’épanouissement de nos collaborateurs. Un collaborateur épanoui c’est un collaborateur qui va consommer, investir, entreprendre, créant ainsi naturellement de la valeur. Et puis les collaborateurs épanouis partent moins, ce qui nous permet de créer plus de valeur dans la durée et d’attirer plus facilement les talents. Ce qui est essentiel dans notre métier de consulting particulièrement stressant où l’on doit refaire ses preuves à chaque mission. On travaille énormément notre culture d’entreprise : l’esprit Bartle qui comprend des valeurs de proximité, d’écoute, de transparence et qui contribuent au bien être des collaborateurs. Nous sommes convaincus que c’est comme ça que notre entreprise continuera à créer de la valeur. Notre outil de production ce sont les hommes. Il est naturel pour nous d’avoir une attention particulière à nos ressources humaines. Nous restons alignés sur notre objectif initial de développement d’une aventure humaine et collective.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

Je trouve que beaucoup a déjà été fait pour les entreprises ces dernières années.

Il reste d’après moi des choses à faire sur la formation, avec un triple objectif : élargir les canaux possibles de recrutement, assurer l’adéquation des qualifications avec les besoins, et enrichir par la diversité les profils et les talents disponibles pour les entreprises.

Aujourd’hui on est toujours sur des filières de recrutement élitistes du type écoles de commerce ou d’ingénieurs. Celles-ci représentent un faible pourcentage des personnes formées en France qui pourraient travailler en entreprises. Il faut renforcer les relations entre l’entreprise et le système éducatif, secondaire et universitaire. Il faut (re)connecter l’entreprise à la formation bien au-delà des liens existants entre entreprises et grandes écoles. Il faut que cette relation soit active le plus tôt possible dans le parcours éducatif pour éveiller nos enfants au plus jeune âge sur la valeur de l’entreprise et des opportunités qu’elle propose. C’est d’autant plus important que l’on demande aujourd’hui aux jeunes dans la nouvelle organisation des parcours éducatifs de faire des choix d’orientation très tôt. Il faut aussi professionnaliser les filières universitaires comme peuvent l’être les grandes écoles.

Il y a aussi un vrai sujet sur l’actionnariat salarié, qui n’a rien à voir avec la participation aux fruits de l’entreprise. Aujourd’hui l’environnement juridique et fiscal n’est pas favorable au développement de l’actionnariat salarié. La plupart des dispositifs existants sont soit inefficaces soit inappropriés dans des structures comme les nôtres : distribution d’actions gratuites, BSPCE, …
On devrait revoir ces mécanismes de manière à vraiment promouvoir l’actionnariat et l’engagement des salariés dans leur entreprise, en simplifiant leur encadrement juridique et en protégeant leur périmètre fiscal. Il faut sortir des mesurettes, avec une vraie volonté politique, dans ce domaine comme dans bien d’autres.

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