Parole d’entrepreneur

février 2016

Gérard Gourdon, 51 ans, fondateur de Mimilamour

Mimilamour, marque de bijoux made in Paris,  » à forte tendance ajoutée  » est née en  janvier 2013. Après le succès de l’e-shop  et  la naissance de quelques modèles d’ores et déjà devenus des classiques de la maison,  la première boutique parisienne  a ouvert en janvier 2015,  à Paris, dans le 10ème arrondissement, épicentre de la « branchitude » du moment.  Aujourd’hui,  Mimilamour est également distribué  dans dix pays, aux  points de vente  soigneusement sélectionnés

Pourquoi être devenu entrepreneur ?

Finalement, j’ai toujours été entrepreneur ! Diplômé d’aucun diplôme, je suis parti en Australie à 19 ans avec un jeune assistant de ELLE pour vendre à Sydney le concept de la photographie de mode en studio, en mouvement et sur fond blanc… très années 80 ! Après quelques couvertures, pas mal d’images de pub et un passage d’un an à Tokyo, j’ai démarré mon propre magazine de mode à Hong Kong « ECLAT ! », avec un nom très français et un contenu culturel se partageant Orient et Occident. Après un an et 6 numéros, je me suis ensuite occupé du lancement et de la direction artistique du ELLE en Asie du Sud Est. De retour à Paris, j’ai monté une galerie de photographie contemporaine (Avedon, Penn, Mappelthorpe…), puis une agence de communication, vendue 10 ans plus tard à Publicis. Après un petit pas de côté dans la restauration (réorientation favorite de l’ex-pubard !), je décide de revenir à la mode et à la création en lançant il y a 3 ans, Mimilamour, ma marque de bijoux créés et réalisés à Paris. Entreprendre est un modèle que j’ai choisi très tôt, certainement parce que je n’ai jamais trouvé de case dans laquelle me glisser et me sentir à mon aise. Entreprendre m’a également permis de faire à ma façon, pas toujours dans les clous et souvent un peu (trop) en avance sur mon temps… Des succès mais aussi des flops, de grandes joies mais aussi quelques bosses !

L’entrepreneur est-il seul à entreprendre ? 

Dans mes années pub, les années 90, on parlait beaucoup de «Créateurs» d’entreprises. Nous travaillions pour le compte de nos clients, Banques et Institutionnels, sur la mutation du statut d’«Entrepreneur» vers  celui de «Créateur» : comment proposer une vision plus individuelle de l’entreprenariat etc… Il s’agissait de dédramatiser l’inertie et les contraintes du système en proclamant l’Entrepreneur «Créateur d’entreprise», et donc créateur de son propre emploi ! Ce qui, bien sûr, était supposé avoir un pouvoir très libérateur pour l’individu (et amincissant sur les chiffres du chômage !). J’ai quand même toujours préféré le terme «Entrepreneur » à celui de «Créateur d’entreprise». Créer, ça ne dure que l’espace d’un instant ! Entreprendre se fait dans la durée, indéterminée, et inscrit la création dans un champ multiple de développements, de collaborations et de visions à plus ou moins long terme. L’entrepreneur est certes souvent, mais pas toujours, le seul à s’engager sur les suites à donner à son idée. La transformation d’une idée en un projet, c’est le rôle de l’individu-entrepreneur, même si un projet a aussi besoin, en règle générale, d’une équipe, de partenaires, de réseaux… Le modèle « Tous entrepreneurs dans la même Entreprise » me laisse un peu perplexe. Je continue à croire qu’il ne faut qu’un Capitaine à bord, dont l’un des talents est de savoir bien s’entourer. Il y a des « faiseurs » qui apportent leur savoir-faire et qui ne cherchent pas à orienter le développement par leurs initiatives. Et il y a bien un autre niveau de collaboration, auquel décisions et parfois même risques doivent être partagés. C’est un peu comme les deux faces d’une même pièce. Le rôle de l’Entrepreneur n’est pas de changer les gens. Il est plutôt d’identifier, de former et d’accompagner les collaborateurs qui expriment une volonté d’implication plus importante. Et d’offrir aux experts les moyens nécessaires pour exprimer au mieux leur savoir -faire.

On entreprend seul ET à plusieurs.

Pour vous qu’est-ce que la création de valeur ?

La création de valeur existe dans la transformation. Bien sûr, il y a une lecture plus économique du terme, sur la valeur d’une entreprise depuis sa création jusqu’à sa vente ou son introduction sur les marchés, mais je suis libéré de cette pensée-là. La valeur, dans l’entreprise comme dans la vie, il faut la créer et pour la créer, il faut transformer. Tout ce qui est transformé devient singulier, recherché, unique. L’idée de la transformation associée au savoir-faire participe à la création de valeur. C’est cela qui donne et garantit sa place au projet dans sa sphère, son univers, sa communauté. Par exemple, un directeur artistique utilisant la photo d’un photographe, le texte d’un concepteur rédacteur et le papier d’un magazine va transformer tout ça en une superbe page de référence. Bien qu’il se soit servi du travail des autres, il a transformé et donc créé de la valeur. Sinon, cela reste juste une jolie photo et un joli texte.

Dans mon secteur d’activité, la mode, l’accessoire, nous travaillons à partir de matériaux bruts, et nous créons de la valeur par la transformation.  Je ne vois qu’un moyen de créer de la valeur dans une entreprise : utiliser comme point de départ ce que tout le monde peut avoir, puis innover par l’idée et les techniques pour trouver une pratique ou un objet nouveau, nécessaire ou désiré, unique et moderne, en cohérence avec l’époque et les engagements de l’entreprise. C’est cela aussi qui crée des emplois, et apporte la reconnaissance dont chacun a besoin.

Quelles sont les 3 mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?

Après avoir « subi » à plusieurs reprises dans ma vie d’entrepreneur et ma vie d’homme les lourdeurs administratives, fiscales et sociales, je me suis un peu mis à l’écart du système. J’ai aujourd’hui volontairement une petite entreprise, qui emploie au bout de 3 ans, 2 personnes à temps plein. C’est un choix de vie, un choix de vie de l’entreprise également, que ce dimensionnement ! Je pense qu’il est difficile de grandir dans le système français, et j’irais jusqu’à dire qu’il est difficile d’y naître, surtout comparé à des pays comme l’Angleterre, par exemple. Je ne maîtrise pas très bien les articulations des différents modèles économiques, et je ne sais donc pas pourquoi la France en est venue à cultiver une telle pesanteur concernant l’Entreprise, et plus généralement le monde des travailleurs indépendants. Je pense que le social est antisocial ! Il  crée des inégalités importantes. Et il participe pour beaucoup au poids de la fiscalité et des taxes.

L’Etat ne devrait pas s’interdire de regarder les modèles étrangers, de les imiter s’il le faut, de les imposer parfois, et puis de changer…Mais ce ne serait pas très français tout ça !

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